« Quiconque fait une chanson à propos de son chat vaut la peine d'être écoutée. »
« "I want to eat dinner at my grandma's place" sont peut-être bien les paroles les plus punk.» Avec les Américains, on ne peut jamais savoir si de tels commentaires sont au premier ou au second degré. Ce qui est certain, c’est qu’ils n’ont pas "inventé" le punk. Par contre, il se pourrait que le revival, ou l’entretien de la flamme, leur ait échu.
Une première partie de Bikini Kill (à 8/9 ans pour Mila la batteuse), au ‘Hollywood Palladium’ le 26 avril 2019, ce n’est pas commun, et c’est là que Amy Poehler les a repérées, puis conviées à jouer (de la musique) dans son film Moxie - que j’ai regardé avec plaisir, car l’énergie y est communicative. On les voit donc interpréter deux courts morceaux sur scène – dont le fameux "Rebel Girl" de Bikini Kill, en invitées pour une fête par une bande de lycéennes féministes militant dans la continuité du mouvement des Riot Grrrls. La réalisatrice, qui joue également le rôle de la mère de l’héroïne, arbore quant à elle un t-shit de Sleater-Kinney. Et l’action se situe dans une ville fictive de l’Oregon…
Mais ce qui a vraiment fait le buzz, comme on dit, et lancé le groupe au niveau mondial, c’est l’enregistrement de leur prestation de 40 minutes à la bibliothèque publique de Los Angeles lors d’un événement célébrant le mois du patrimoine asiatique américain et des îles du Pacifique, le 24 mai 2021. La vidéo est devenue virale, relayée par des célébrités telles que Tom Morello (guitariste entre autres de Rage Against the Machine) ou leur protectrice Kathleen Hanna, et a précipité leur signature sur le label Epitaph Records.
Pour ce single : https://music.youtube.com/watch?v=wF-1IIs9_5U&list=OLAK5uy_kkyO-3-T3Ce5nInegeE3JKUDQoLh505q0
Les Linda Lindas tirent leur nom d’une chanson d’un groupe japonais, ayant elle-même donné plus ou moins son titre à un film… racontant une histoire qui ressemble à la leur :
https://www.youtube.com/watch?v=YP8Z-uXkzGo (The Blue Hearts)
https://www.youtube.com/watch?v=R5cgwB47f7I (Linda Linda Linda film’s Paranmaum)
https://www.youtube.com/watch?v=lE0F2LT5GTk (The Linda Lindas)
Et nos Lindas sont bien quatre. Le groupe, décrit sur son profil Bandcamp comme mi-asiatique, mi-latin, se compose de :
Bela Salazar 17 Guitariste, vocaliste
Eloise Wong 13 Bassiste, vocaliste
Lucia de la Garza 14 Guitariste vocaliste
Mila de la Garza 11 Batteuse, vocaliste
Les sœurs Lucia et Mila sont les filles du producteur et musicien Carlos de la Garza, leur cousine Eloise a pour père Martin Wong, l’un des fondateurs du magazine culturel alternatif Giant Robot. Bela est leur plus proche amie. On retrouve donc chez les filles la plupart des mêmes centres d’intérêt que chez les pères : l’art, la musique (punk), le cinéma, les livres, les jouets, la nourriture !
Facile, donc, de commencer par enregistrer dans le studio au fond de la cour familiale…
Leur discographie autoproduite se résumait en 2020 à un hommage à Claudia Kishi – rare personnage d’origine japonaise d’une série de romans pour adolescentes (Le club des baby-sitters) puis d’une série télévisée - pour un documentaire Netflix. Un mini-album de 4 titres, chacun composé et chanté par une Linda – mais à présent, elles collaborent plus dans l’écriture. Puis une chanson pour encourager les gens à voter, puisqu’elles ne sont pas encore assez âgées pour le faire.
A propos de leur hit "Racist, sexist boy", la toute jeune Mila explique : « Un peu avant le confinement, un garçon de ma classe est venu me dire que son père lui avait dit de ne pas s’approcher des Chinois. Après que je lui ai dit que j’étais chinoise, il a pris ses distances avec moi. Eloise et moi avons écrit cette chanson à partir de cette expérience. Cette chanson parle donc de lui et de tous les autres garçons racistes et sexistes de ce monde. »
Il y a du militantisme et de la révolte dans leurs motivations, comme pour tout bon groupe punk, pas que l’envie de s’amuser, de jouer ensemble et de prouver que n’importe qui le peut. Et des titres comme "Missing you" ou "Never say never", parmi les premières chansons ayant pour sujet le confinement, racontent combien des ados peuvent s’ennuyer malgré les réseaux sociaux et les bons bouquins, manquer de vie sociale et de grand air...
“We like [punk] because it’s anything you want it to be.”
A Los Angeles, le punk de la fin des années 70 / début des années 80 n’était pas une affaire de gars blancs, mais d’immigrés, de gens de couleur et autres communautés marginalisées. Et les filles ont toujours eu plus d’injustices à dénoncer.
Les Linda Lindas sont apparues en 2018 lors d’un festival "Girlschool", un concept dont la mission est de célébrer, mettre en contact et promouvoir la musique et les idées d’artistes féminines. Elles peuvent s’identifier à leurs consœurs aînées Karen O des Yeah Yeah Yeahs, Alice Bag de The Bags ou The Alley Cats avec Dianne Chai, dont elles ont croisé certaines lors de performances caritatives à Chinatown.
Comme leur héroïne Claudia, elles se fichent de ce que pourraient penser les gens. La plus âgée n’est pas forcément la plus mature, Lucia sait sourire et chanter sans zozoter avec son appareil dentaire, leurs tenues vont du t-shirt idiot avec jupettes à carreaux en tissu indonésien aux robes vintage (encore quelques années et elles détrôneraient les Otokobe Beaver chères à Nico ;-), elles écoutent tant Blondie, les Buzzcocks que des latino bands, sont extraverties telles que doivent l’être de bonnes filles californiennes…
« On n’a aucune idée d’où on va mais on veut être libres ; ça commence juste et rien ne nous arrêtera ».
Nous saurons si elles ont effectivement mis à profit l’été qui vient de passer pour peaufiner leur set et composer de nouveaux titres, dès que la déferlante atteindra nos côtes.
Et puis… quoi de plus punk que de hurler dans une bibliothèque ? ;-)