Avec Julianna Barwick, la question se pose : pourrons-nous aller au bout de son album sans finir aussi en vrac qu'Ulysse face aux chants des sirènes ? Dans l'univers de l'Américaine, il n'y a que ça ou presque : une multitude des voix passées par le prisme d'une pédale delay qui s'entremêlent pour créer une ivresse sonore. Soyons honnêtes, il y a parfois un piano lointain qui émerge dans un écho venant donner du relief à la musique. Il y a aussi une guitare évidemment réverbérée au son très Cure sur Bog in Your gait donnant là aussi une certaine respiration. Sur Prizewinning, une programmation minimale vient rythmer et borner cet univers gazeux en lévitation avant que des percussions ethniques viennent pervertir cette musique angélique. On se réjouit de tous ces apports instrumentaux venant enrichir un dispositif radical. Ils deviennent presque salvateurs car on n'aurait pas forcément survécu à ces seules mélopées vocales.
Ouf ! Julianna Barwick n'est pas totalement systématique et a compris qu'elle ne pouvait pas tenir la longueur sur son seul postulat de départ. Loin du lugubre Ligeti (vous vous rappelez "2001, l'odyssée de l'espace ?" et son Lux Aeternae ?), The Magic Place n'est pas à proprement une oeuvre vocale d'art sacrée mais un disque, pastoral dans ses intentions, qui évoquera un Cocteau Twins avec la seule Liz Frazer, plus éthérée que jamais, comme seul membre musical. On pensera aussi au Mystère des Voix Bulgares (le Mystère des Voix Américaines ?) dans des moments plus mystiques où Julianna semble revivre la Passion. Enchanteur au début ou par bribes, The Magic Place devient quand même un peu agaçant sur sa longueur. Dommage. Serait-il possible d'apposer sur le disque un sticker : ne pas écouter plus deux chansons par jour sous peine d'effets secondaires indésirables ?