C'est un petit peu l'histoire "rapologique" du MC et sa singularité. Un rappeur jonglant entre différentes personnalités, du Shady totalement déjanté, au Marshall plus sentimental, en passant par le Em' furieux et incisif (rappelons-nous de ses différents tracks à l'époque de la mort de Proof, "There They Go" d'Obie Trice étant un bon exemple).

Différents flows, différentes performances, différentes productions, un très bon entourage artistique. Autant d'éléments qui ont participé pleinement aux fondements de l'un des mythes du game ricain'. Car Eminem, c'est avant tout une histoire, un parcours, un personnage. Un personnage qui a fini par rattraper l'homme, jusqu'à totalement le briser.

Et après une longue période de silence, Eminem refait son come back. Si "Relapse" alimentait en grosse partie la face "shady-esque" du rappeur, "Recovery" jouait la carte de l'introspection et du sentimental. Deux albums sortis dans un court espace-temps, afin d'amorcer une sorte de transition.
En effet, fini les habits larges, les chaînes pendouillantes, la teinture blond-ado'. Et place à un style plus neutre, un ligne affinée, un besoin de neutralité. Em' s'en expliquera dans le morceau "25 to life".

Eminem a aujourd'hui 41 berges, on ne peut donc pas lui en vouloir d'être en recherche d'une certaine "maturité" artistique. Même si "Recovery" m'avait déçu par rapport à l'excellent "Relapse", on pouvait toutefois y trouver une certaine cohérence et une certaine ligne directrice. Mais voilà, il faut bien avouer que c'est l'album qui a amorcé pleinement l’expansion populaire du rappeur : page fan sur Facebook sur-likée, des millions de vues sur Youtube, etc. Rihanna, les instrus mélodieuses et la sur-présence du chant en refrain, n'y sont pas innocents...

Pour parler maintenant du principal intéressé, nous pouvons déjà nous arrêter au titre : "The Marshall Mathers LP 2". Avec un tel nom, inutile de préciser que les fans de la première heure attendaient le blondinet au tournent. Toutefois, ce premier choix artistique témoigne déjà d'une certaine motivation pour un "retour aux sources". "Recovery" s'était un peu trop éloigné de l'univers primitif du rappeur, alors il fallait bien faire un petit clin d’œil.

"Berzerk" est dans cette optique. Un clip en mode "Ghettoblaster", un Eminem blond, une intonation à la Shady. Sauf que le morceau est brouillon, que la voix aiguë du rappeur finie par saouler. Mais bon, il y a une démarche. A suivre.
Puis on apprend que "Survival" sera sur la tracklist de l'album. Et là, le soufflet est déjà retombé. Un morceau dans l'optique d'un "Recovery", c'est à dire sur une instru' pop-rock, ce qui donne une certaine intensité aux images commerciales du blockbuster "Call of Duty".
"Rap God" vient tout contrebalancer. Une instru' simple, mais déjà plus Hip-Hop. Un Em' qui se lance certes beaucoup de fleurs, mais en jonglant entre plusieurs flows, plusieurs intonations, plusieurs rythmes, et ce avec une facilité déconcertante. Ok, Marshall est toujours dans le coup. Rien de très nouveau, mais ça tape.
Et puis on finira par un petit "Monster", avec la poto Rihanna. Et pour être sûr de figurer dans le top "Itunes" et de rester un mois en première place du Top Ten de D17, on mijote un "Love the Way You Lie" V2.

Au final, "MMLP2" est vraiment à l'image de sa promotion. Un album multiformes essayant de produire une synthèse assez maladroite de tout ce qui a alimenté le rappeur depuis ses débuts. Cela se ressent dans les thématiques abordées et les intentions artistiques engagées. Mais avec l'authenticité en moins.
Pourtant "MMLP2" a son lot de bons morceaux. Tout commence par "Bad Guy" (le meilleur track du skeud pour moi). Une instru' singulière, un flow travaillé, un refrain léger et entêtant. Une pure réussite ! Après un skit inutile, "Rhyme or Reason" tient le cap, avec un "So Much Better" sympathique. On reste dans la même dynamique avec l'excellent "Brainless" pour se refaire plaisir, un petit peu plus tard, avec le réussi "Evil Twin" (la collab' Eminem - Resto est toujours aussi efficace).
Entre temps, on aura droit à des sons mielleux cités plus haut, des délires country-rock à la Rick Rubin (dont personnellement, je n'ai pas du tout accroché...) et quelques titres WTF ("Stronger Than I Was", "Asshole").
L'édition Deluxe rajoute quelques friandises pour le dessert, avec les efficaces "Baby" et "Groundhog Day".

"The Marshall Mathers LP 2" donne donc l'impression que Eminem a voulu contenter tous les publics, l'ancien comme le nouveau. Cette ambivalence se ressent dans l'enchaînement de la tracklist, assez hasardeuse. Il manque donc cette cohérence artistique qui faisait le charme des autres skeuds du rappeur, avec des skits fictionnels constituant un réel univers.
C'est également un album où il y aurait pu avoir plus de featurings. Si ce n'est pas 50 Cent, pourquoi pas un Yelawolf ou un membre des D12 et des Slaughterhouse. A côté de cela, on mentionne Dr Dre en Executive Producer, alors qu'il n'a lâché aucune prod', aucun couplet, juste deux ou trois mixages et certainement un contrat publicitaire pour que Em' glisse un casque Beats dans ses futurs clips.

On verra bien ce que le rappeur nous concoctera pour l'avenir. Mais il me semble que ce dernier n'a plus rien à prouver aujourd'hui, grâce à son immense carrière. Avec "MMLP2", Eminem montre qu'il peut toujours endosser le costume de son personnage, s'il le souhaite. Mais cela va à l'encontre de la nouvelle image qu'il s'est construite aujourd'hui, ce qui risque peut-être d'en faire sa propre caricature.
Théo-C
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le 9 nov. 2013

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Théo-C

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