Venant tout droit de la Grande-Bretagne, terre de grands mouvements musicaux fondamentaux des années 70 et 80 d’où son père vient, Ian Dury, chanteur et fondateur du groupe Ian Dury and the Blockheads célèbre pour son titre « Sex and drugs and rock’n’roll » devenu un emblème au-delà des frontières musicales.
Son fils Baxter Dury, reprend cette flamme musicale d’une tout autre manière depuis son troisième album, « Happy Soup » en 2011, ou il s’est forgé une réputation dans le domaine du pop rock indépendant en imposant un style distinctif dans l’utilisation de sa voix et ses arrangements musicaux langoureux.
Poursuivant cela avec « It’s a pleasure » en 2014 et par surement un de ses meilleurs albums, « Prince of Tears » en 2017 marqué par un morceau devenu instantanément culte, "Miami", inaugurant l’album d’une manière hypnotique ouvrant la porte à un Dury meurtri par sa rupture douloureuse, guérissant par la même occasion au travers de sa musique.
Nous pouvions alors nous demander où pouvait aller le grisonnant anglais sans se voir répéter la même formule devenant par la même occasion, stérile et répétitive.
La réponse est arrivée le 20 mars 2020 dégageant tout préjugés négatif dès ses premières notes se transformant en lot de consolation précieux lors de ce moment de désordre mondial.
Baxter est là et il vous aime. Voici ce qu’il nous dit au travers des 10 histoires contées avec un style inimitable, toujours accompagné des vocaux féminins entourant sa voix grave sur un rythme sensuel de basse élevé à un niveau angélique grâce aux violons présents depuis « Happy Soup », sous un angle plus épique.
Dury ne révolutionne pas sa musique, il fait mieux, il y introduit une folie contenue.
Celle d’un désir d'Hollywood à l’ancienne où l’instrumentalisation symphonique vient élever les émotions à un degré si puissant qu’il est impossible de ne pas se voir enlacer par sa musique partant d’un simple rythme électronique faisant taper du pied. Rappelant l’apogée de la new wave britannique, comme sur le morceau initiant le début de l’album, "I Am Not Your Dog" jusqu’à sa fin majestueuse en crescendo mélancolique porté aux nus par des violons si subtilement placé sur l'album.
On peut voir dans le clip accompagnant ce single une véritable illustration purement cinématographique en un long et lent plan-séquence ou le chanteur est visiblement blessé sur le bord de la plage. S’arrêtant pour fumer une dernière fois et voir l’horizon avant de disparaître au cœur de l’océan, faisant penser à la fin d’un long-métrage dramatique.
Mais si vous pensiez que Baxter était définitivement perdu dans les abysses d’une dépression irréparable, vous vous êtes trompés. Son humour décalé revient à la charge tout autant que sa morne lassitude face à la vie, balançant entre les creux de sa bouche des pointes sarcastiques caractéristiques du bonhomme anglais sur des grooves irrésistibles.
Que cela soit sur l’acerbe "Slumlord" évoquant le "Let’s Dance" de Bowie au clip creusant l’ambivalence entre le sérieux des paroles et l’absurde de la chorégraphie débutant avec une présentation peu attractive du crooner. Ou sur l’irrésistiblement lancinant "Saliva Hog" revenant aux racines punks par des chœurs nonchalants susurrants "Who the fuck are you my friend ?" .
Dury installe sa propre ambiguïté entre l’épiquement tragique des violons et le groove foudroyant de la basse qui structure chaque morceau de ce projet, où chacun des deux instruments prend, selon les moments, davantage d’ampleur en relation avec les paroles et les mélodies.
L’influence de Serge Gainsbourg présente depuis longtemps dans sa carrière revient faire une apparition sur le morceau « Samurai » au rythme des souffles sensuels, restituant le style du chanteur français dans un contexte moderne où les violons viennent de nouveau catapulter ce moment de bravoure en un instant de grâce pure par une conclusion on ne peut plus puissante.
"Sleep People" vient adoucir ce crescendo par un tube en puissance au tempo ralenti. La dureté des propos de Dury est contrasté par les douces voix accompagné d'un saxophone essayant de réveiller notre protagoniste perdu dans ses rêves et cauchemars les plus profonds.
La batterie remet notre british nihiliste debout pour faire sortir une rage contenue, pétri de jalousie et d’amour conflictuel se révélant être la jalousie d’une vie perdue par sa faute. Les paroles devenant multiples en matière de sens et rendant la phrase "I might take care of him to be honest" bien plus ambigu qu’elle paraissait l’être.
Progressivement, l’album bascule dans une certaine psychose au travers des divers effets sonores inhabituels et les concepts étranges que nous fait parcourir le chanteur. Comme sur le morceau titre accompagné d’aboiements et de modifications sur sa voix ou encore avec "Hello, im Sorry" qui poursuit un aspect cinématographique retranscrivant le parolier répondant à un répondeur chargé de mystères, faisant douter de la santé mentale du protagoniste.
Nous quittons cette démence pour un retour nostalgique concluant l’album par deux morceaux versants dans la symphonie des émotions apaisantes d’un coucher de soleil en plein été car l’espoir renaît (et le Slumlord aussi). Il reprend cet élan pour "Say Nothing", dernier morceau envoûtant, sorte d'hymne à la vie revenant sur l’ensemble de l’album synthétisé par une phrase qui va devenir culte parmi ses fans, dites par les voix dans sa tête répétant sans cesse, "Baxter loves you !" et par la même occasion, nous dit à nous, auditeur :
Qu’importent les épreuves du temps et de la vie. Reprenez espoir, rien n’est perdu.
Article à retrouver sur Pozzo Live