The Nothing
6.5
The Nothing

Album de Korn (2019)

Trois ans après le convaincant The Serenity of Suffering, KoRn est de retour, et le résultat ne surprendra pas grand monde. Le groupe de Bakersfield a de nouveau fait appel à Nick Raskulinecz (Foo Fighters, Alice in Chains, Deftones, Rush...), et la production est à nouveau massive : les guitares sont encore plus lourdes qu'à l'époque d'Untouchables, la basse de Fieldy est bien audible dans le mixage final, et ceux qui espéraient un retour au son analogique brut et dépouillé des débuts risquent de quelque peu déchanter…


La plupart des morceaux ont une structure similaire, avec de gros refrains mélodiques calibrés pour la radio. Depuis 2002, Jonathan Davis semble vouloir les incorporer dans chacune des chansons du groupe, et rien n'a vraiment changé depuis le retour de Head en 2012, bien au contraire. Ce dernier semble totalement adhérer à ce formatage, et sept années après son retour, force est de constater qu'il n'est pas parvenu à rendre la musique de KoRn plus imprévisible. J'avoue ne pas trop comprendre pourquoi le quintet californien s'obstine à systématiquement inclure ces refrains aux sonorités "joyeuses" dans chaque titre, surtout que l'album se veut très sombre.


En effet, vous êtes sûrement au courant que la femme du chanteur est morte d'une overdose en août 2018, et ce treizième disque n'est ni plus ni moins qu'une longue lettre d'adieu à son épouse disparue. Bien que simplistes et limitées en terme de vocabulaire, les paroles sont très personnelles, et les courts morceaux qui ouvre et referme l'album sont parmi les plus déchirants de l'histoire du groupe.


Une des choses qui me sidère chez Jonathan Davis, c'est que son timbre vocal n'a absolument pas bougé depuis 1994. Quand il chante "And I see it, can't believe it" sur l'excellente Darkness is revealing, il possède la même hargne dans la voix que sur le disque éponyme du groupe, et les refrains de H@rd3r et Can You Hear Me évoquent quant à eux les mythiques démos de la bande originale de Queen of the Damned. Par contre, et c'est là quelque chose que j'avais déjà évoqué dans ma critique de The Serenity of Suffering, je ne suis pas fan de la voix gutturale que l'on entend sur 3 ou 4 morceaux. Il m'est ainsi impossible d'apprécier pleinement Cold, ce qui est vraiment dommage, car sur un plan instrumental, ça tabasse sévèrement.


Jusqu'à la fin des années 90, le néo-métal de KoRn était fortement inspiré par le funk et le hip-hop, mais depuis que David Silveria a quitté le navire fin 2006, les choses ont changé, et il y a beaucoup moins de groove et de changements inopinés de tempo dans leur musique. Avec ce style robotique qui lui est propre, Ray Luzier tape sur ses fûts comme un damné et recycle encore et encore les mêmes transitions sur chaque titre. Depuis qu'il a intégré les effectifs du groupe en 2008, l'ex-batteur de David Lee Roth a toujours eu tendance à surjouer, et s'il s'améliore peu à peu, le fossé qui le sépare de David Silveria en termes de créativité reste encore immense. De leur côté, Head & Munky tentent invariablement d'assommer l'auditeur avec leurs riffs tous plus heavy les uns que les autres. Celui qui ouvre Idiosyncracy a ainsi un petit air de Pantera (A New Level), et le riff dissonant que l'on entend pendant les couplets de Darkness is revealing aurait tout à fait eu sa place sur Life is Peachy. Mais au bout d'un moment, tous ces riffs de mammouth finissent malheureusement par se ressembler, et il devient difficile de les distinguer les uns des autres.


Dans son ensemble, The Nothing se situe dans la parfaite continuité du précédent album. On ne change pas une recette qui marche, et la principale différence concerne le chant : Jonathan est beaucoup plus impliqué, et son émotion est palpable. L'intro à la cornemuse, l'outro et l'interlude rappellent quant à eux l'album Issues, et ces trois titres courts sans guitare saturée apportent une bouffée d'air frais à un disque un brin répétitif. The Serenity of Suffering me semblait avoir davantage de morceaux marquants (ex : Rotting in Vain), et si cette cuvée 2019 est globalement plus homogène et agréable à écouter d'une traite, je n'entends pas le moindre titre qui ait le potentiel pour devenir un futur classique du groupe.


Que les choses soient bien claires : l'album est bon et ravira la plupart des fans existants, mais KoRn donne malgré tout l'impression de se reposer sur ses acquis. J'espère sans trop y croire qu'à l'avenir, le groupe californien sortira à nouveau de sa zone de confort comme il l'avait fait (avec plus ou moins de succès) après le départ de Head, et qu'il nous proposera des morceaux plus longs et moins formatés. Pour cela, il faudrait que Jon et Fieldy participent aux séances d'écriture initiales et que les quatre musiciens puissent bâtir des chansons autour des idées novatrices du chanteur, mais comme l'avait indiqué David Silveria dans un message posté sur Facebook en août 2013, cela ne s'est plus produit depuis Follow the Leader, et aujourd'hui, le chanteur refuse même de travailler avec un producteur. Bref, c'est pas gagné !

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le 13 sept. 2019

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chtimixeur

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