Quand il faut choisir quel album du rappeur de Detroit est le meilleur, le choix se porte sur un des trois premiers à coup sûr. Trois albums : le choix "classique" (Marshall Mathers LP), le choix "commercial" (The Eminem Show) et le choix "hipster", celui qui nous intéresse ici. Bien que considéré comme un excellent album, The Slim Shady LP reste dans l'ombre de son successeur.
Après le coup d'essai "Infinite" faisant plutôt office de démo que d'album, Eminem est repéré par un Dr. Dre en plein doute et à la recherche d'un nouveau souffle. Il repère un rappeur blanc (fait notable à l'époque) qui explose tout Détroit dans des battles mémorables. Lorsque le disque qu'ils produisent ensemble sort en 1999, la carrière de Marshall Mathers explose totalement jusqu'à devenir quelques années plus tard le plus gros vendeur de disque des années 2000.
L'album s'ouvre avec le premier single qui cristallise déjà tout ce qui fera d'Eminem la superstar des de la décennie suivante. "My name is" présente l'alter ego du rappeur de Détroit, une personnalité sans limite et violente. Eminem ne compte pas lisser ses textes ou être consensuel sur cet album. L'objectif est de raconter le plus d'horreur possible en usant de Slim Shady, une sorte de double maléfique.
Une des grandes de forces du songwriting d'Eminem est de se glisser dans la peau de personnage pour pouvoir adapter son discours. Le flow et le ton du personnage de Slim Shady est immédiatement reconnaissable et ils sont abandonnés sur les morceaux plus personnels et autobiographiques. Le rappeur de Detroit a intégré pleinement sa propre expérience dans sa musique. Tout le monde connait les histoires entre Eminem et sa mère ou son ex-femme Kim tout simplement car elles hantent le disque. Rarement un rappeur aura autant détaillé des moments de son histoire en les racontant en musique.
D'une anecdote de sa jeunesse sur 'Brain Damage' à une morbide 'histoire avec sa fille comme partenaire dans '97 Bonnie and Clyde, Eminem intégre Marshall Mathers et donc sa propre personne à sa galerie de personnage peu reluisante. C'est ce mélange des genres déroutant qui a valu à son auteur de nombreux problèmes avec diverses associations (parfois à raison) ou personnalités politiques américaines. Ce white trash vulgaire et sans tabou ne pouvait être la nouvelle coqueluche de la jeunesse américaine.
L'album comporte des morceaux mémorables comme 'Still don't give a fuck', 'Just don't give a fuck", "Rock Bottom" ou encore "Role Model". Ils font sans doute parti des moments les plus personnels de la carrière d'Eminem. L'artiste s'y livre et démontre déjà qu'il fait partie des meilleurs techniquement.
Le premier album a souvent une place importante dans la discographie d'un rappeur. Le côté véritable et sincère de l'artiste donne une aura singulière au disque. The Slim Shady LP est la naissance de la recette d'un rappeur sans cesse sur le fil du rasoir et qui partagera au monde entier ses névroses ainsi que celle des "working poor" américains. Plus brutal et déprimé que les suivants, cette entrée en matière est un album essentiel du rap américain et son influence est perceptible chez de nombreuses artistes de la génération suivante (Tyler, the Creator, Kendrick Lamar etc.).