Grab your mother's keys, we're leavin'.

Concept album pas toujours homogène tout en faisant bloc, « The Suburbs » parle de tous ces gamins hirsutes et mal bâtis, piégés dans l'oisiveté poisseuse de ces après-midi d'étés sans fin. Occupés à tourner en rond sur leurs BMX, ils se demandent ce qui pourra bien les attendre un jour au bout du lotissement, par delà les zones commerciales moribondes de la périphérie.

Après avoir rapidement planté le décor, l'album bascule doucement dans une réalité alternative, dépeignant un conflit civil entre ces petites villes de banlieue, envahies peu à peu par des forces armées sans visage ni bannière.

Le tour de force de l'album, et ce qui explique probablement pourquoi il touche tant de gens de ma génération, c'est justement parce qu'il colle au plus près du point de vue de ces gosses, ceux qui grandissaient dans les années 90 et qui entendaient parler d'une guerre à deux heures de Paris, craignant qu'un matin, elle se pointe au bout de la rue, qui voyaient Kasparov perdre contre un ordinateur et qui regardaient "le siècle se terminer sur des petits écrans à tube". On n'y comprenait rien, ça ressemblait à toutes ces intrigues de films qui restaient sans dénouements parce qu'il fallait aller se coucher et dont on ne verra la fin que des années plus tard.

Et sur cette toile de fond, Win Butler et ses potes nous parlent surtout de la fin de l'enfance, du basculement progressif dans la vie d'adulte et de la façon dont les amis doivent parfois se séparer.

On aura été nombreux à partager les mêmes frissons lors de la tournée qui a suivie la sortie de l'album, quand le vieux film commercial pour des maisons en kit s'arrêtait pour laisser place au rock'n'roll.