Voilà un album fascinant. Fascinant car il divise, les vieux, les nouveaux fans de Maiden, il a un peu le cul entre deux chaises ce facteur X... Mais il arrive juste après la tempête, le départ d'Adrian Smith en 90, puis surtout celui du chanteur emblématique et iconique Bruce Dickinson, que l'on dit irremplaçable.
Sur le fond, oui, il est irremplaçable, mais sur la forme, Steve Harris dit non, il faut continuer l'aventure! Et donc le bassiste en chef signe Blaze Bayley, alors chanteur de la formation Wolfsbane, qui avait notamment assuré des premières parties de Maiden.
Bon ils ont signés un nouveau chanteur et alors? Alors la voix de Blaze Bayley et TOTALEMENT différente de celle de Dickinson, il a un timbre chaud, sombre et un registre beaucoup plus bas, ce qui posera quelques soucis lors des interprétations en live, mais ce n'est pas ce qui nous intéresse ici.
The X Factor est probablement l'un des albums les plus mésestimés des londoniens, alors même qu'il paraît après deux échecs artistiques que furent No Prayer for the Dying et Fear of the Dark. Des titres Hard/Metal sans réelle panache hormis quelques compos qui sortent du lot, et deux chefs d'oeuvre (minimum syndical, quand tu nous tiens)... Mais en cette année 1995, il est temps de partir sur de nouvelles bases, plus sombres donc. Ne serait-ce que par l'aspect peu ragoutant dans la pochette dessinée par Hugh Syme (exit Derek Riggs et Melvyn Grant) où l'on y voit un Eddie plus réaliste que jamais, lobotomisé. Pochette censurée en France d'ailleurs, remplacée par la 4eme de couverture (il vous suffit de retourner le livret... Comme quoi en France on a pas de pétrole, mais on a des idées). Bon et la musique qu'en est-il? Va t-on encore assister à une déroute artistique et écouter des compos banales pour du Maiden? Et non! L'album s'ouvre sur la meilleure chanson du disque, et en fait, sur une des toutes meilleures chansons du groupe tout court, puisque Sign of the Cross du haut de ses 11 minutes annonce l'orientation musicale à venir. Des chansons progressives, à tiroir, avec introductions douces, constituées de longs passages instrumentaux... Justement, ceux de Sign of the Cross sont de vrais perles auditives (quel final!), et si la voix de Blaze peut choquer, tant elle se démarque de celle de Bruce, elle s'imbrique totalement dans l'atmosphère de la chanson. D'ailleurs tout l'album sera de cette trempe. Fini les chansons guillerettes du style Can I Play With Madness, Tailgunner, From Here to Eternity...
La suite n'en est que plus plaisante avec les deux singles de l'album que sont Lord of the Flies ainsi que Man On The Edge beaucoup plus pêchue, avec un rythme d'enfer (Toujours cette basse galopante, made in Harris) et un chant tout en maîtrise de la part de Blaze. Malgré toute cette énergie, la mélodie paraît toujours si froide. Notons d'ailleurs que The X Factor a été produit par Steve Harris, qui n'est pas un ingénieur du son de formation. Le son est plus soft, et a tendance à s'évanouir. Difficile de se prononcer sur cette caractéristique, je me contenterais de dire que cela ajoute de la profondeur à cet album déjà bien noir. Pour les curieux, vous pourrez trouver des versions chantées par Bruce de ces 3 premiers morceaux respectivement sur les lives Rock In Rio, Death on the Road et sur la face-B du single The Wicker Man.
Un début tout en fanfare donc, 3 chanson différentes, (très) inspireés, accrocheuses avec les ingrédients qui ont fait le luxe d'antan des britanniques. Toutefois, passé la magie des premiers instants, le soufflé aura tendance à retomber, puis à se regonfler. Ce ne sont pas de mauvais morceaux, comme on pouvait en avoir sur Fear of the Dark, mais disons qu'on peine à les trouver mémorables... Du Heavy Metal en pilotage automatique en somme, ça ronronne, puis ça se réveille dès qu'il y a quelques turbulences (Blood on the World's Hands et sa superbe intro à la basse, The Edge of Darkness aux riffs tout simplement épiques et sa rythmique guerrière.) Le reste de l'album ne fait office que de seconds couteaux, se laissant écouter sans réelle passion. Manque de créativité, d'efficacité (Look for the Truth), parfois trop de longueurs (2 A.M et The Unbeliever)... Mais rien de bien méchant, car comme je l'ai dit, cet album mérite au moins une écoute, ne serait-ce que pour Sign of the Cross qui est un véritable chef d'oeuvre.
Donc en 1995 Iron Maiden n'est pas mort, il était juste blessé et commence doucement à se relever. The X Factor est un album à l'atmosphère toute particulière, froide et sombre, mais tellement prenante grâce à la puissance mélodique indissociable d'Iron Maiden. Tout les groupes passent par des moments difficiles, parfois sans se relever. Maiden y arrivera grâce à cet album, et rien que pour ça, il ne mérite pas le lynchage dont il est parfois victime.