On le sait depuis déjà 2 albums, le collectif Godspeed You Black Emperor se décline dans une version réduite dans A Silver Mt Zion, avec à sa tête Efrim, guitariste chez les premiers, multi-instrumentiste chez les seconds. Les deux entités sont littéralement adulées par la presse et ont permis de mettre sur un piédestal leur label "Constellation". Devant une telle unanimité, on se demande bien parfois qui viendra ternir ce concert ininterrompu de louanges. Qui osera dire du mal de ce troisième album de ASMZ ? Une position inconfortable mais aussi enviable de point de vue de l'ego. Le morceau d'ouverture de 16' ne nous laisse pas l'occasion d'être médisant. Il balaye d'un revers de la main toute l'agressivité que l'on pouvait avoir : chant polyphonique devant des pizzicati de violons, intermède ambiant et montée de cordes, en trois mouvements, ASMZ nous fait survoler une multitude de paysages, des steppes arides aux forêts de conifères. On en a plein les mirettes. Ce n'est déjà plus du post-rock, ce n'est pas encore de la musique contemporaine. Sur les trois autres morceaux (d'une longueur sensiblement équivalente au premier titre), Efrim retrouve sa voix, un timbre meurtri qui fait de thee rusted satellites gather un abîme de tristesse. Un morceau difficile aussi à appréhender. Pourtant, installé dans une mélopée, Efrim, d'une montée d'octave et d'un choeur ajouté, permet de faire voler une luciole dans les ténèbres. De ce court décalage naît l'émotion. Et rien que pour ça, on se dit que l'on a bien fait d'être patient. Avec "sing", ASMZ fait renaître de ses cendres le Genesis début 70, les synthés sont remplacés par des cordes, mais l'esprit est le même. On est surtout frappé par la ressemblance vocale avec Peter Gabriel, autre chanteur expressionniste et visionnaire. A mi-morceau une fanfare folle prend le pouvoir : on est emportés dans ce tourbillon, otages consentants de ces diables de Canadiens. L'album se termine sur Hearts in need make symphonies, morceau qui avance au chaos d'une carriole et qui n'apporte rien de plus à la gloire des Canadiens. Ni même sa version veillée au coin du feu du blind track. Les ASMZ ne sont donc pas parfaits, à l'instar de GYBE, ils sont juste humains et donnent l'occasion d'énoncer le bémol qui fait du bien à l'ego du critique. Doublement merci donc.