Lu sur la page Wikipedia : « (Ulan Bator) est un groupe qui n’a jamais connu un franc succès ». On peut sincèrement le regretter, on peut se dire « et pour cause ! » Le groupe à géométrie variable autour de son leader Amaury Cambuzat a préféré sans le vouloir le statut d’artiste culte à celui de machine à succès. « Sans le vouloir » car Ulan Bator a toujours fait la musique qui lui plaisait, sans calcul pourrait-on ajouter. « Culte » avec comme preuve la liste des artistes reconnus ayant côtoyé le groupe : Faust, Michael Gira de Swans ou Robin Guthrie de Cocteau Twins, producteur de Nouvel air. Peu peuvent se vanter d’un tel trio. Aujourd’hui dans Ulan Bator, il y a l’Anglais James Johnston (Gallon Drunk, Lydia Lunch, un des Bad Seeds), le Français Stéphane Pigneul (Object, Heligoland) et l’Italien Alessio Gioffredi. Ulan Bator est bel et bien un groupe Européen dont la musique est aussi originale que son choix de nom. D’ailleurs, l’album le moins réussi du groupe est peut-être celui qui est le plus facilement qualifiable : Nouvel Air justement, fortement empreint de la personnalité de son producteur. Avec Tohu Bohu, on est bel et bien chez Ulan Bator, dans une musique arpentant un chemin bien spécifique et connu d’eux seuls ou presque. Ulan Bator fait dans la noise, un rock rêche avec une basse mise en avant, une batterie lourde et quelques dissonances de guitare aux entournures. Ça bastonne mais avec modération (l’addictif Missy and the saviour est paradoxalement le morceau le plus
accessible du disque) ; ça part en vrille mais modérément (Tohu Bohu, totalement free, est un brin caricatural). Ulan Bator propose le plus souvent des climats d’entre d’eux, comme des moments de préparation à la guerre et de calme retrouvé après la bataille. Des avants et des après en somme, avec les parties sanglantes et la barbarie déboutées hors du disque (notamment dans le tableau « End of days » de Norbert H Kox qui orne le boîtier intérieur). Restent donc les atmosphères troubles gorgées de tension où les fulgurances de beauté ne sont pas à exclure. Comme exemple évident, on pourrait citer l’intermède R1336A1 avec arpèges lumineux de guitare et accords mineurs au Fender Rhodes. Mais les deux éléments, tension et beauté, qui seraient ailleurs antinomiques cohabitent en permanence au sein d’un même morceau dans un pas de danse désabusé et touchant (Speakerine). Le magnifique Mister Perfect, titre perfect de l’album, nous laisse carrément sans voix et révèle des sommets d’émotion en creux. Depuis Diabologum, on sait que la France peut conjuguer noise et français et que même le caractère atone de notre langue peut apporter un plus au genre. On suit donc précisément les mots de Cambuzat dans un chanté parlé au charisme proche de Bashung (Regicide). D’ailleurs, on pourrait affirmer que Ulan Bator doit autant à l’auteur de L’imprudence qu’à Shellac ou Fugazi. Drôle de mélange qui fait de ce Tohu Bohu un album essentiel.