Dommage.
Maintenant plus de dix ans qu'on a les albums d'Arctic Monkeys dans les écouteurs, maintenant plus de dix ans qu'on a le nom de la relève britannique placardé en haut de tous les newspapers branchés, plus de dix ans que les gamines attendent la prochaine coiffure d'Alex Turner comme le messie, plus de dix ans que la bande de Sheffield nous habitue à ne pas nous habituer.
Depuis Whatever People Say I Am ... le quatuor explore et explose. Et quatre albums plus tard, quand AM débarque, c'est l'apothéose. Le succès interplanétaire, la production léchée et mécanique, le squat des radios du monde entier, le virage à 180 degrés qui ravit les fans qui ont mûri en même temps que les quatre anglais peaufinaient leur son. On y retrouve les guitares, l'énergie et les riffs des premiers morceaux, mais le groupe offre une musique plus lente et lourde aux accents soul, parfois même hip hop, plus américaine.
Arctic Monkeys nous avait prévenu : Alex a même déménagé aux States, changé son accent, trouvé de nouveaux potes et de nouvelles gesticulations scéniques. Tout le monde avait adoubé le changement, on était prêts. "Faut bien vivre avec son temps".
Sauf que là, dommage.
Et même si Tranquility Base Hotel + Casino s'ouvre sur trois morceaux de bonne augure pour la suite, joliment envoutants, harmonieux, presque psychédéliques, après ça se gâte. On s'ennuie, les ballades s'enchaînent et se ressemblent, les pianos, les vibratos de Turner, le tempo, tout est frustrant, parce que rien n'est véritablement emballant. Tout l'album est un ventre mou, les mélodies ne sont pas spécialement remarquables. Le fait qu'il n'y ait pas de single n'est pas un problème en soi, mais un album d'Arctic Monkeys sans véritable refrain ça me chagrine. On en ressort sans un air en tête.
Tranquility Base Hotel ressemble plus à un album solo qu'à une collaboration partagée du groupe. On connaît les goûts de Turner, il se rêve ricain, il fantasme les années 1950, les dandys, les long costards, les aviators, Elvis et les pattes d'eph. Peut-être que le problème est là, son délire est dur à suivre, trop personnel.
Évidemment il y a de belles choses : un concept album aux textes évasifs, à la basse haletante, aux arrangements habiles, à la production adroite et dans l'air du temps. Mais contrairement à ses petits frères, après quelques écoutes on s'en lasse parce que contrairement à la belle tradition anglaise des Beatles ou de Queen, il manque la mélodie.
"Tout est question de goût, c'est un album à part dans la discographie d'Arctic Monkeys" me direz-vous, le problème c'est qu'il n'est pas à part. Cinq succès le précèdent et lui confèrent la lourde tâche de s'inscrire dans cette évolution. Sauf que depuis 2006 les Arctic Monkeys démolissent les charts à coup de mélodies, de guitares, de chansons, et avec ce nouvel album on ne s'y retrouve pas vraiment. Si l'oeuvre était vraiment à part, l'écouterait-on ? Ne l'aimons-nous pas parce qu'elle suit cinq réussites?
Dommage... Mais rien de dramatique non plus. L'album plaira et les arènes se rempliront.
Maintenant, on attend la suite avec impatience et on peut être certains qu'elle sera surprenante.