High Violet était l'album sous pression : comment réitérer l'exploit de Boxer, reproduire cette balance formidable entre indie rock classieux et chamber pop délicate ? Autrement, comment se renouveler lorsque l'on s'appuie autant sur la voix de son chanteur baryton et ses textes bizarrement attachants ? High Violet fut l'album de la densité : voix grave profonde, guitares moins mélodiques, caisses toujours martelées, cordes et choeurs en renfort, ton anxieux et production brumeuse. Comme si, au fond, il avait fallu forcer un peu, mettre tout en œuvre pour s'en démarquer tout en faisant renaître la passion (au risque d'en faire trop). Et néanmoins le résultat fut encore une fois splendide ; un concentré d'arrangements envoûtants, rythmes efficaces, de mélodies travaillées souvent doucement mélancoliques.
Avec cet album une chose était désormais certaine : loin derrière était laissé l’indie rock nerveux et insouciant de leurs débuts, au profit d'un style plus classieux, moins intimiste. Point de rupture donc pour certains fans de la première heure et révélation pour nombre d'autres. C'était en tout cas, comme Arcade Fire à quelques mois d'intervalles, un des groupes d'indie rock les plus prometteurs des années 2000 à faire un pas vers le pop/rock - et donc le mainstream - sans pour autant tomber dans la médiocrité ou déformer leur identité.


Trouble Will Find Me en revanche – et malgré ses textes – est plutôt l'album de la sérénité, de la confiance enfin acquise. On pourrait ainsi comparer les deux openers : on troque les guitares distordues contre des accords paisibles, la tension de Terrible Love contre la fluidité d'une mélodie douce-amère, et le déluge cathartique contre la beauté lumineuse du final de I should Live in Salt.
Les deux morceaux qui suivent sont également les singles et m'avaient laissé un peu perplexe au départ. Demons s'installe en effet sur un rythme 7/4 posé façon rock pour cinquantenaires avant une seconde moitié bien sentie qui permet de donner un peu de force à ce refrain. On reste cependant en dessous des standards habituels. Don't swallow the cap est plus attachante, avec un tempo en dehors de la zone de confort du groupe et des arrangements superbes (trombone, violon..), mais ça reste dommage d'utiliser une rythmique figée lorsqu'on dispose d'un des meilleurs batteurs actuels.


Pour le reste The National fait du The National léger et accessible, avec la régularité qu'on leur connaît et sans s'auto-parodier à mon avis. Hormis Humiliation que je trouve bien trop diluée et même si j'aurais préféré un closer plus marquant, l'album égrène les mélodies bien exploitées et les pistes s'enchaînent sans problème avant les 3 dernières chansons où la dynamique s'estompe. Evidemment, les morceaux qui sortent du lot et qui pourraient rivaliser avec les meilleurs du groupe sont ceux qui s'écartent le plus de la marque de fabrique sur cet album. D'abord la frénétique Sea of Love avec ses guitares électrisantes et Bryan Devendorf de retour aux commandes, malgré une seconde partie érodée par la production*. Enfin, This is the Last Time dont le côté organique et authentique fait très plaisir, maîtrisée de bout en bout et dont le final est sûrement le plus beau moment de l'album. Allez soulignons aussi la perfection minimaliste de I Need My Girl, un peu hors du temps avec ses doux arpèges répétés et ses drones cotonneux, ainsi que Graceless mélangeant en quelque sorte l'esprit d'Alligator avec les nouveaux effets de production.


Forcément en les écoutant on se dit que le groupe avait les moyens de faire mieux, de faire autre chose. Forcément Trouble Will Find Me risque de pâtir de la comparaison avec ses prédécesseurs. Mais on ne va pas cracher dans la soupe, comme il y a 3 ans on est en mai et The National va sortir à point nommé une valeur refuge, un des meilleurs albums de l'année.


Zephir
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le 11 mai 2013

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Zephir

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