Tout le monde connait Rumours, le chef d'oeuvre de Fleetwod Mac, sorti en 1977. Peu en revanche connaissent Tusk, le double album qui a suivi. Album beaucoup moins glamour car plus expérimental, et avec moins de drama autour du groupe. Les trois compositeurs sont pourtant toujours à leur meilleur niveau, et la section rythmique est toujours aussi efficace également. Si le studio réclame à l'époque un "Rumours 2", Lindsey Buckingham n'est pas de cet avis, et cherche au contraire à créer un album singulier, bien différent de son prédécesseur.
Et comment parler de Tusk sans parler de Buckingham ? Après sa séparation avec Stevie Nicks, le guitariste du groupe devient... fou, tout simplement. Pendant les sessions d'enregistrement de Tusk, il se coupe sa longue tignasse caractéristique à coups de ciseaux, demande à ce que sa salle de bain soit recréée à l'intérieur du studio, fait fixer des micros au sols pour chanter en position de pompe... Et ce qui est certain, c'est que ses compositions n'ont rien à voir avec les précédentes. Très inspiré notamment par les Beach Boys (Christine McVie sort à l'époque avec Dennis Wilson par ailleurs), il apporte un son fuzzy à sa guitare (qui ressemble un peu à ce que faisait Carl Wilson sur Surf's Up), ainsi que des harmonies semblables à celles du groupe américain. Cela ne fonctionne pas toujours, mais quand ça réussit, notamment sur "What Makes you Think you're the One", c'est tout à son honneur. Comme toujours, il sait également servir les compositions des autres par son jeu à la guitare, comme les somptueux "fills" à la fin du morceau d'ouverture "Over & Over" (choix particulier car il s'agit d'une chanson au rythme assez lente, alors qu'à l'époque on préfère des sons un peu plus punchys pour ouvrir un album), mais également par ses harmonies vocales.
Stevie Nicks n'est clairement pas en reste, car si je trouve "Sara" un peu surestimée, "Angel", "Beautiful Child" mais surtout le magnifique "Storms" (ce titre évoque notamment sa relation avec la batteur du groupe, Mick Fleetwood) sont très réussis. Sur "Sisters of the Moon", Nicks entretient son image de sorcière mystique, initiée avec "Rhiannon" et "Gold Dust Woman". Si le morceau est bon, il ne l'est pas autant que les deux précédemment cités. McVie s'en sort également correctement, mais elle ne réatteint pas au long de l'album le niveau de "Over & Over".
Dans l'ensemble, je trouve le second disque moins bon que le premier. Mais heureusement, un OVNI vient relever le niveau : le morceau titre, "Tusk", ne ressemble à rien d'autre dans le monde de la pop-rock. La chanson se base sur un riff de répétition utilisé par Fleetwood et Buckingham, joué à l'unisson par le groupe et la fanfare de l'Université de Caroline du Sud, invitée par Mick Fleetwood pour l'occasion. Ce titre est tout simplement du génie, alors que sur le papier, ça ne devrait pas être si jouissif à écouter !
Je conclurai ainsi : si vous avez aimé Rumours, écoutez Tusk. Si vous n'avez pas aimé Rumours, écoutez Tusk. Dans tous les cas, je doute qu'il vous laisse indifférent.