Tony Starks est un homme de main pour le compte des Deluca's, une importante famille mafieuse de l'Italie des années 60. Jusqu'au jour où son amour pour Logan, la fille du parrain ne provoque sa mort. Ses restes sont alors fondus et pressés dans une douzaine de vinyles, qui s'ils sont joués en même temps, le font revenir à la vie sous la forme de Ghostface Killah, un esprit animé par la violence et la vengeance.


Non il ne s'agit pas d'un scénario caché de Marvel pour son prochain Iron Man, mais bien du scénario du dixième album du rappeur Ghostface Killah, intitulé Twelve Reasons To Die sorti le 16 avril 2013.


Sous la forme d'un concept album, le disque reprenait des thèmes chers au rappeur du Wu-Tang Clan : la criminalité, les règlements de compte et les personnages tout droit sortis du cinéma de gangsters. Sur le papier le scénario ne paye d'ailleurs pas de mine et est digne d'un film de série B. Mais le talent de Ghostface pour le storytelling réussissait à rendre cette histoire assez prenante, surtout quand on connaît ses précédents opus et son goût pour endosser une autre personnalité, notamment celle de Tony Starks, comme sur son génial premier album, Iron Man.
Salué unanimement par la critique, Twelve Reasons to Die prouvait que Ghostface avait toujours la forme et une bonne cadence de sortie de ses disques, comparé à ses collègues du Wu qui peinent à s'imposer en solo depuis des années.


Il faut dire que depuis son départ de Def Jam en 2012 avec Apollo Kids, Ghost a continué sur sa lancée et a proposé des albums tous plus différents les uns que les autres. Que ce soit avec 36 Seasons et son style très New Yorkais proche du boom bap, ou le jazzy Sour Soul cette année avec les canadiens de BADBADNOTGOOD.


Pour son douzième album, Killah décide alors de donner une suite à son histoire Twelve Reasons to Die, et Adrian Younge est une nouvelle fois derrière chaque morceau, comme sur le premier volume. Producteur au style très influencé par la soul des années 60, 70, il a dit lui-même s'être inspiré du travail de RZA et d'Ennio Morricone pour composer la bande son de cette suite. Et c'est l'un des gros reproches de Twelve Reasons To Die II, ainsi que du précédent opus.
Les productions n'arrivent pas à rendre honneur aux histoires racontées tout au long du disque. Et c'est vraiment dommage quand on voit l'ambition cinématographique et imagée qui se dégage de l'album. Ghost a même été jusqu'à proposer un comics à partir de cette intrigue, ce qui montre bien l'envie de créer un univers particulier.


Hélas l'ensemble se ressemble trop et aucune production n'arrive vraiment à sortir du lot. Un comble pour un producteur habitué à faire des BO de films, comme celle de Black Dynamite, ou des albums qui s'y apparentent comme Venice Dawn : Something About April.
Il faut dire que RZA, producteur exécutif ici avait placé la barre très haute avec le grandiose Only Built For Cuban Linx... de Raekwon en 1995. Le membre du Wu épaulé par Ghostface contait des histoires fantasmées de mafieux le nez dans la coke à la Scarface sur des productions qui plongeaient l'auditeur dans l'action de manière parfaite. Coups de feu, bruitages, tonnerre, tout était mis en place pour créer un album démesuré et ambitieux.


A côté le travail de Younge fait plutôt pâle figure et n'a pas tellement réussi à s'améliorer depuis sa première collaboration avec Ghost. Certes le son analogique et très sixties/seventies est en rapport avec l'action qui se déroule cette fois ci à New York en 1970, mais il manque un grain de folie pour faire ressentir l'action narrait par les deux compères.


Car comme sur Only Built For Cuban Linx... Ghost et Raekwon sont réunis pour jouer des rôles différents. Le deuxième est d'ailleurs assez en forme, ce qui est assez inespéré à la vue de ses précédents disques tous plus décevants les uns que les autres. The Chief incarne Lester Kane, un gangster avide de sang et de violence, bien décidé à tuer les Deluca's jusqu'au dernier pour pouvoir être le nouveau roi de New-York. La narration au fil des morceaux suit donc la pensée et les actions des personnages de Tony Starks et du mafieux Kane, ce qui permet des storytelling plutôt bien réalisés et de montrer des destins qui finissent par se croiser. Comme sur le morceau « Let the Record Spin » où Raekwon promet de réanimer Ghostface pour en finir avec Luther Luca, le parrain et véritable ennemi des deux protagonistes.


Toujours au niveau de la narration, il y a beaucoup moins de featurings que sur le premier, ce qui est une bonne chose car cela avait tendance à faire perdre de vue le récit. Et même si Vince Staples est très bon sur « Get the Money », son apparition, comme celles de Lyrics Born, Chino XL ou encore Scarub, n'étaient pas indispensables et n'apportent pas énormément au récit.
Dans le rôle de la voix-off, RZA conte l'avancée de l'intrigue dans des interludes encore une fois pas toujours très utiles et qui auraient mérité d'être intégrées directement aux morceaux. Car sur un album d'une quarantaine de minutes seulement, cela peut vite donner l'impression de vide ou de paresse.


Tout comme le premier, Twelve Reasons To Die II donne une impression d'inachevé ou de gâchis dans ses choix musicaux et dans l'ambiance qui s'y dégage. Certes il s'agit de son deuxième projet en un an avec celui en collaboration avec BADBADNOTGOOD, mais c'est dommage que l'ambition n'est pas poussée Ghostface à repousser les limites de l'album et à créer une sorte de space opéra rap. Surtout qu'avec ses talents de conteur, il ne serait pas le plus mauvais choix, loin de là. Avec ses ambiances minimalistes ou parfois brouillonnes de jazz et de soul, ce disque ne restera pas comme l'un des plus mémorables de son créateur. Pour ce même type d'ambiance, mieux vaut retourner écouter Sour Soul, qui même s'il ne se targue pas d'avoir un concept, propose quelque chose d'intéressant.


Reste que Ghostface Killah, à maintenant plus de 40 ans, reste l'une des seules figures restantes digne d'intérêt parmi ses anciens collègues du Wu-Tang Clan. Avec une carrière prolifique comme la sienne, l'annonce de la suite de son classique Supreme Clientele, et d'un album en commun avec MF DOOM, cela fait plus vingt ans que Ghost sait donner au public plus de douze raisons de croire encore en lui.

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le 4 août 2015

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Stijl

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