J'ai été assez indifférent à Royal Blood dès leur arrivée en 2014 avec un premier album qui, sans être un horrible souvenir, m'avait laissé de marbre. Je sauvais quelques riffs sympas par-ci par là ("Out of the Black", "Loose Change", "Little Monster") mais les chansons en elles-mêmes ne m'avaient guère impressionné. Avec le second opus, le ressenti se creusait encore, partagé entre des titres que je trouvais très sous-écrits même comparés à l'album précédent ("Lights Out", "Hook, Line & Sinker") et quelques trucs plutôt efficaces dans une approche plus pop et formatée. Je ne dis pas ça comme un reproche, au contraire. Je trouve par exemple que "How Did We Get So Dark?" est encore à ce jour la mélodie la plus chouette pondue par le duo et que "I Only Lie When I Love You" est un single très fonctionnel en dépit de son écriture dépourvue d'inventivité. Il me restait la nette impression que Royal Blood était loin d'être la révélation que beaucoup brandissaient. Mike Kerr, dont j’avais par ailleurs apprécié la participation aux Desert Sessions de 2019, me semblait un bassiste malin doublé d'un chanteur correct sans plus (ce qui est déjà une forme de polyvalence en soi) et Ben Thatcher faisait le job aux fûts... sans plus, là aussi. Les deux avaient visiblement décidé de géminer Queens of the Stone Age (sans la finesse d'écriture) et Muse (sans la grandiloquence prog), s'attirant assez facilement les faveurs d'un public plus jeune peut-être moins familier avec ces artistes... Mais surtout avec Death From Above (anciennement Death From Above 1979), groupe canadien actif depuis le début des années 2000 et auteur de quelques albums jouissifs pourtant méconnus du grand public. Au programme ? Un duo. Tiens tiens. Un batteur et un bassiste. Tiens tiens… Bassiste qui branche sa quatre-cordes dans des murs de fuzz et d'effets pour la faire cracher comme une guitare furibarde. Tiens tiennnnns... La voix alterne entre falsetto androgyne et phrasé plus punk, selon l’humeur. La différence ? Il n'y en a pas tellement. Ah si ! Les chansons. Les chansons sont bien meilleures que chez Royal Blood. Et surtout, le premier album date de 2004. Si vous ne me croyez pas, allez donc écouter "Going Steady", "Right On Frankenstein", "Nomads", "Black History Month" ou "One + One" et revenez me dire que Royal Blood sont si convaincants que ça...
Avec "Typhoons", le verdict se complique encore un peu. L'album manque cruellement de chansons mémorables, de tripes et de finesse à la fois. Les velléités RATMesques à la "Little Monster" sont désormais supplantées par de gros beats disco pop qui feront peut-être frétiller quelques popotins en boîte de nuit. Pour moi qui n’ai jamais perçu Royal Blood comme un groupe de rock n roll bouillonnant, ce constat ne pose pas de réel souci. Mais quitte à être un groupe de dance-rock, autant le faire bien… Et c’est là que ça coince vraiment. Même lorsqu'on déniche une idée un peu fun (sur le refrain de la chanson-titre "Typhoons", par exemple, où le riff de basse est vraiment sympa), elle est mise au service d'une mélodie mollassonne soutenue par une grosse batterie idiote en pilote automatique, le tout saupoudré de loops électro mal branlés qui auront pris un terrible coup de vieux sous cinq ans. Je sais bien que nous ne sommes pas chez Trent Reznor, mais un peu de bon goût ne ferait pas de mal… C'est bien simple, les grooves sont préfabriqués, paresseux et sans imagination au point où rien ne groove jamais. On aurait pu mettre une boite à rythmes à la place, ça n'aurait fait presque aucune différence (attention, on peut faire des trucs merveilleux avec des boîtes à rythmes, que ce soit du côté des Sisters of Mercy, de NIN ou des Kills, plus récemment). En plus, pour un groupe à fondation rythmique, force est de constater que les tempos de "Trouble Coming", "Oblivion", "Typhoons", "Million and One", "Mad Visions" et "Hold On" sont tous quasiment interchangeables. Soit six titres sur les onze du total, quand même.
La production n'apporte aucune nuance notable aux chansons, ce qui aurait pourtant pu aider à apprécier l'intention d'un projet plus pop et accessible que ses prédecesseurs... qui l'étaient déjà pas mal, soyons honnêtes. Une brêche s'ouvre furtivement avec "Boilermaker" gros single remuant qui sonne mieux que presque tout le reste de l'album combiné, pas étonnant puisque Josh Homme était apparemment aux manettes sur ce titre. À l’extrême inverse, le final piano-voix de "All We Have Is Now" est une bluette mal torchée en deux minutes trente pour la forme, histoire de prouver que le duo peut sortir du format bass-drum distordu qu’on leur connaît. Mais encore une fois, il aurait fallu faire ça bien… Là, on se croirait à un open mic pour hipsters sans charisme, l'écriture est baclée, l'interprétation est transparente et la chanson peine terriblement à exister. Pour le reste, "Typhoons" est à peu près du niveau de sa pochette, qu'on ne peut décidément pas accuser de publicité mensongère : une vague idée qui tourne à vide jusqu'à ce qu'on se demande à quoi ça rime. Pour ceux qui voudraient danser sur du rock moderne, je vous suggère d’aller vers Franz Ferdinand, Spoon, Les Kills, HMLTD, Arctic Monkeys ou même d'écouter Villains, le dernier Queens of the Stone Age en date. Bien que ce ne soit pas du tout leur meilleur album, il est bien plus abouti dans la catégorie que Typhoons semble viser avec tant de peine. Pour ceux qui chercheraient à retrouver foi dans le format basse-batterie sous tension, partez du côté de Death From Above. Depuis le début, c’est là que se trouvait la vraie réponse à cette envie.