Escape The Fate et moi, c'est une longue histoire.
Quand on évoque Escape The Fate, il y a toujours deux écoles : les fervents défendeurs de l'époque Ronnie Radke (actuel leader de Falling In Reverse) et ceux qui préfèrent Craig Mabbitt (ancien membre de Blessthefall). Personnellement, j'apprécie les deux. Utile !
Craig Mabbitt intègre dans le combo en 2008 pour enregistrer dans la foulée "This War Is Ours", aussi bien apprécié que détesté. L'album en lui-même n'est pas mauvais (le fulgurant "This War Is Ours (The Guillotine II)", les très sympathiques "Ashley" et "10 Miles Wide" ou encore l'hymne "The Flood" devenu au fil du temps un classique du groupe), mais Escape The Fate n'arrive pas faire une synthèse de son propos. On sentait de grosses hésitations pop/rock ("We Won't Back Down", "On to the Next One" ou encore "Something", des titres pas forcément horribles mais complètement hors-sujet) et des excursions dans le domaine non-aisé de la ballade (le catastrophique "Harder Than You Know"). Une chose qui changera complètement deux ans plus tard avec la sortie de l’album éponyme. Et là, c’est la claque ! Au lieu de naviguer dans les eaux troubles de la Pop/Rock teintées de Post-Hardcore, le groupe sort la grosse artillerie et nous propose (enfin, on serait tenté de dire !) des compositions solides et matures. Des titres tels que "Massacre" (un des meilleurs du groupe), le single séduisant et imparable "Gorgeous Nightmare" , les courts mais puissants « Issues » et « City Of Sin » ou encore les violents "Prepare Your Weapon" et "The Aftermath (The Guillotine Part III)" (quel solo mes amis). Bref, un très bon album qui haussait Escape The Fate dans la cour des grands.
2012. Max Green, bassiste et pilier du groupe quitte le navire. Pour différences musicales, il parait. Mouais, gros doutes de mon côté et plusieurs interrogations. L’âme d’Escape The Fate est-elle morte ? Son départ permet plusieurs choses non négligeables : mis à part l’arrivée de Thomas "TJ" Bell (ancien Motionless In White), c’est surtout l’état officiel de Michael Money en tant que guitariste. Frère de Monte, il épaulait déjà le groupe sur certaines tournées. Pourquoi ne faisait-il dont pas parti du groupe alors ? Max Green ne voulait pas, tout simplement. Bien regrettable, car même si le garçon est assez discret sur scène, il insuffle une certaine énergie au groupe (de plus, c’est mieux d’avoir deux gratteux, en particulier pour les soli, histoire de tenir la rythmique).
Le premier extrait de "Ungrateful" est dévoilé en live, il se nomme "Live Fast, Die Beautiful". L’appréhension et l’excitation étaient fortement présentes lors de la première écoute, très vite remplacées par du bonheur (et du soulagement). "Live Fast, Die Beautiful" débute par une excellente introduction en tapping, façon original pour le groupe d’entrer dans le sujet. On retrouve d’ailleurs ce motif plusieurs fois dans la chanson, en particulier lors d’un breakdown meurtrier qui envoie valdinguer les cojones. On peut aussi noter le chant de Mabbitt sur ce passage, où il appuie fortement sur sa voix (comme sur "We Won’t Back Down"). Le titre annonce donc le meilleur pour la suite et montre que le groupe a toujours gardé son petit côté rock pas désagréable (les couplets, dont certains peuvent reprocher une linéarité).
2013. Annonce de la sortie de l’album + deux nouveaux titres disponibles en écoute. Me revoilà derechef tout excité ! Le premier titre porte le nom de l’album : "Ungrateful". Encore une fois, c’est une sacrée baffe dans la tronche. Escape The Fate nous propose ici une composition lorgnant vers un Post-Hardcore agressif, comme en témoigne ces couplets particulièrement intense où Mabbitt hurle de tout son cœur (ce n’est pourtant pas le même genre de scream que dans son side-project, The Dead Rabbitts). Le refrain est, quant à lui, d’une beauté lumineuse. Il coupe complètement avec les couplets mais il apparait comme une sorte de délivrance (les textes évoquent la brutalité, le clip est très fort), il se veut à la fois fédérateur et explosif, jamais Escape The Fate n’avait composé un aussi bon refrain. Il faut aussi noter un très bon solo (on reviendra plus tard sur la qualité des soli de Monte tout au long du skeud) et un break donnant une envie folle d’headbangueur : "SCREAM AND SHOUT !".
Le second extrait s’intitule "You’re Insane". Le groupe revient à quelque chose de plus basique, alternant des couplets Heavy et un refrain contenant une petite pointe Glamisante bien agréable (emmené par la voix de Mabbitt). Les quelques screams éparpillés sur les trois minutes trente fonctionnent plutôt bien, tout comme le solo (qui envoie le pâté, comme on dit dans ma contrée). Le clip dénonce la téléréalité, à travers le destin tragique d’une jeune femme, mère d’une enfant. Le sujet des vidéos est plus soigné, on est loin de "10 Miles Wide" ou encore "Situations". Encore un signe de la maturité acquise du combo.
14 Mai : sortie internationale de l’album. Pour la troisième fois, grande excitation en mon for intérieur. Les questions se bousculent : « est-ce que l’album suivra la lignée des trois titres déjà dévoilés ? », « doit-on s’attendre à des changements drastiques ? » et surtout « j’aime ou pas ? ». Hé bien la réponse est simple, j’aime ! J’aime beaucoup d’ailleurs.
"Ungrateful" n’est pas vraiment une surprise, car il se situe dans la droite lignée de son prédécesseur. L’évolution n’est pas le mot d’ordre, confirmation convient mieux. La grande particularité d’Escape The Fate, ce qui fait son charme, c’est la possibilité de faire des compositions accrocheuses plutôt mainstream mais qui restent (la plupart du temps) convaincantes. L’album ne souffre d’aucune baisse de régime, mis à part peut-être le titre final, "Fire It Up", peu inspiré (refrain un tantinet lourdingue, et couplets mal négociés) malgré une bonne introduction donnant l’impression d’être en descente. C’est d’ailleurs la première fois qu’Escape The Fate nous pond un opus globalement homogène. Chose suffisamment rare pour être souligner ("Lost In Darkness" sur l’album éponyme était une sacrée catastrophe, coupant complètement l’énergie mise précédemment en œuvre. Je ne parle même pas de "This War Is Ours", où c’était légion).
Le gros challenge, c’était la ballade. Impossible de passer dessus pour tout groupe de Post-Hardcore qui se respecte. Escape The Fate n’est pas vraiment le plus doué dans le domaine. Effectivement, depuis la touchante "The Day I Left The Womb" sur "Dying Is Your Latest Fashion", le groupe enchaînait des ballades ennuyeuses et horriblement pompeuses ("World Around Me" en est le meilleur exemple). Pourtant, sur "Ungrateful", le combo donne l’impression d’avoir été touché par la grâce, car « Picture Perfect » (on passera sous silence les paroles) est une vraie réussite. Bien sûr, elle est très commerciale mais dieu que c’est bon. Que ce soit cette courte introduction, ces couplets assez atmosphériques (tout est relatif, ce n’est pas The Gathering !), ce refrain mémorisable ou encore ce magnifique solo gorgé de feeling… tout est placé sous le signe d’une beauté simple mais concrète. Escape The Fate marque des pointes.
Ne vous inquiétez pas, le groupe nous sort tout de même de sacrées bombes musicales où les musiciens s’en donnent à cœur joie. Ce sont surtout les frères Money qui tirent leur épingle du jeu. Certains riffs sont vraiment intéressants, comme celui assez déjanté (il en donne l’impression du moins) de "Forget About Me" qui contient par ailleurs un excellent breakdown, screams de circonstance compris, ou de « Risk It All » qui se veut plus carré (dommage que la suite ne soit pas à la hauteur, le groupe étant un peu trop linéaire). On peut aussi retenir "Until We Die", qui se révèle au fil des écoutes (la lead rappelle légèrement Avenged Sevenfold) grâce à certains passages hurlés de bonne augure et un refrain encore une fois bien fédérateur. Pour la comparaison, c’est un peu la petite sœur de "Prepare Your Weapon" sur l’album précédent. Au niveau des soli, Monte Money explose littéralement de talent. Le mec accouche de coups de maitre assez percutants (je persiste et signe, il est pour moi un des plus doués de sa génération. Ecoutez donc les soli de "The Final Blow" ou "My Apocalypse" pour vous en convaincre), Sur chaque composition, le bonhomme l’illumine à chaque fois, soit par sa technicité ("You’re Insane", "Chemical Love" ou "One For The Money") ou sa sensibilité (le très rock n’ roll "Desire", "Picture Perfect"). Une petite déception de ne pas voir apparaitre une quatrième partie de "The Guillotine", où le bougre nous pondait souvent ses meilleurs soli (encore une preuve de la page tournée par le combo).
L’autre aspect jouissif d’Escape The Fate, c’est de composer des titres « normaux ». Normaux dans le sens où ils ne sont pas d’une grande originalité, mais qu’ils revêtent un côté particulier. C’est surtout palpable avec le diptyque "Desire / One For The Money", qui figurent parmi les meilleurs moments de l’album. Tandis que "Desire" lorgne vers un Glam Post-Hardcore irrésistible (ha, ces couplets Heavy au poil, que c’est bon ! Tout comme un solo au feeling rock n’ roll), "One For The Money" fait office de grande fiesta avec un très bon riff et un refrain rassembleur ("One, Two, Three", je le chantonne souvent durant la journée). Il faut aussi parler de "Chemical Love", petite sœur de "Gorgeous Nightmare" par son côté sexuel peu dissimulé (gagné par l’air jouée à la lead).
Maintenant un petit bilan des musiciens en général. Mis à part les guitaristes, il faut saluer la performance de Craig Mabbitt qui achèvera de convaincre les nostalgiques de l’ère Radke. Le bonhomme chante de la même manière que sur l’album éponyme, c’est-à-dire bien voir très bien ("Live Fast, Die Beautiful"). Par contre, les screams sont moins présents, on dirait qu’il a laissé la moitié de ses tripes chez The Dead Rabbitts (où il scream comme un beau diable !). Le petit nouveau, TJ sonne moins présent que ne l’était Max Green (sa basse claquait sec sur le précédent skeud) mais il épaule à merveille un Robert Ortiz toujours impérial derrière ses fûts (cette alchimie est très palpable sur "Live Fast, Die Beautiful" lors du tapping).
Le live ajouté à l’album en version deluxe traduit très bien l’amitié et la complicité qui unie le groupe. Ce show, enregistré au fameux Roxy, est un vrai plaisir aussi bien visuel que auditif (comme quoi, pas besoin d’artifices extravagants pour assurer !). Plusieurs titres sont interprétés, dont des versions phénoménales de "Ungrateful" et "Until We Die". Le groupe propose même le triptyque de "The Guillotine" (dont la première voit Danny Worsnop d’Asking Alexandria growlé dans la dernière partie), un véritable florilège de violence Post-Hardcore maitrisée ! Et mince, quel bonheur d’entendre "10 Miles Wide" (dont le second couplet est screamé par TJ et Mabbitt) ou "The Flood" ("I TAKE IT BACK !").
Le groupe n’étant pas avare en matière de chansons, il nous propose comme à son habitude deux titres bonus. "I Alone" est une petite surprise, grâce à des couplets calmes (comme sur "Ashley") mais le tout est contrebalancé par un refrain rappelant les heures sombres de « This War Is Ours ». Quant à "Father, Brother", c’est une belle surprise. Quand on l’écoute, on se dit qu’elle aurait remplacée avec brio "Fire It Up" ! Comme les couplets de "I Alone", elle est plutôt calme et distille une certaine beauté. Le refrain sonne comme une antithèse au couplet, c’est très sympathique.
Vous l’avez certainement comprit, cette quatrième offrande est très bonne (voir excellent par moment). Escape The Fate n’évite certes pas les fautes de parcours, mais l’ensemble sonne vraiment très bien. On sent la cohésion et l’envie de proposer quelque chose de bon à son audimat. "Ungrateful" s’impose comme un des meilleurs albums du genre en cette année 2013.