Dans un présent aux sentiments éclatés, aux vies pressées, aux destins condamnés à la transe de l'éphémère et la course infinie de l'oubli, il est des esprits qui osent encore s'élever. Toujours se questionner, ne pas abdiquer, sourire aux bonheurs du déjà-vu, pleurer face à l'immensité de l'inconnu. Des esprits fourmillant de lumière qui, plus que jamais, savent rester ébahis, attentifs et lucides dans la tourmente d'une l'humanité disloquée. De fragiles créatures, humblement humaines parmi les ombres aliénées d'une masse d'argile orbitant fiévreusement dans l'Univers dilaté.
Max Cooper semble éperdu des cieux, fasciné par les mouvements psychiques d'un homme rejoignant sa matrice poussiéreuse, parmi les amas stellaires éparpillés dans le cosmos vacant. Comme l'univers qu'il tente d'apprivoiser au détour de ses synthés et de sa techno minimale, mouvante et enchevêtrée, "Unspoken Words" raisonne comme une liturgie lyrique adressée à l'ailleurs. Tantôt emprunte des chaudes espérances de l'amour éternel, tantôt maculée par la mélancolie diffuse des impressions passées, le britannique éclate toute appartenance, toute frontière et tout dogme pour bâtir son propre réseau musical : celui d'une musique électronique qui, dépassant les clichés et les genres bien qu'en reniant aucun, s'occupe de nous plonger dans un bain d'émotions universelles. La musique est la langue de Cooper, elle s'ancre dans une dramaturgie cinématographique proche du néo-classique, empourprée de nébuleuses modulaires, atomisée de débris psychédéliques et d'un univers graphique magistral (allez voir ses clips !).
Varié et encapsulé dans une sérénité atmosphérique, "Unspoken Words" promet autant d'ondées de pâles beautés lunaires (la fabuleuse Ascent ou le triptyque final) que de dansants hymnes cérébraux ou minimaux, toujours réfléchis, projetés avec cœur pour tenter de rétablir de l'union, de la force, de la sagesse. Certains passages, influencés par le post-minimalisme de Philip Glass (A Model of Reality, Pulse At The Centre of Being) ravivent le lien entre l'éléctro spatiale d'hier, façon Tangerine Dream et Vangelis, et les émanations plus récentes du genre le plus polymorphe du champ musical actuel.
Les titres plus racés, comme au centre de l'album avec le l'épique crescendo glitché de Symphony In Acid, la dubstep riche en sub Exotic Contents, l'espiègle et très indietronica Broken Machines Broken Dreams et l'élan drill-and-bass Solance in Structure, témoignent tous de la richesse créatrice de Max Cooper. Même les inspirations deep-house de Inanimate to Animate ou de Spectrum tirent leur épingle d'un torrent stylistique assez rébarbatif, avec une variation impeccable des écrins mélodiques comme des soubresauts rythmiques.
Naviguant entre une accessibilité généreuse et une intimité expérimentale, "Unspoken Words" est le témoignage que la techno attendait en ce tiers d'année chaotique et haineuse. Une masse lumineuse d'espoirs, à la réflexivité ingénieuse et abondement humaine qui, à l'aura des trois derniers titres, s'agite, s'éprouve et finit par pénétrer et élargir notre imaginaire assoiffé de justice, de gaité et d'insouciance. La musique, de par son langage universel, permet de vivre ces utopies, de nous rapprocher, et de nous convier vers d'informulés miracles. Qu'elle perdure jusqu'à la fin des temps est un sacré réconfort.