The Nits, c’est un groupe hollandais, et c’est un groupe que jusqu’à hier soir je ne connaissais pas. Et, comme beaucoup je crois, c’est un groupe que j’ai découvert grâce à cet album, Urk, sorti en 89, 2h de concert, 29 morceaux, d’Utrecht à Moscou.
Faut dire que c’est un groupe curieux. Encensé par la critique, ignoré par le public, comme souvent, et forcément ça interpelle, encore plus en 2023, à une époque de stagnation musicale où ledit public n’écoute plus que la même lavasse, morphale qu’il en est.
Donc je me suis aventuré en profane dans ce disque, ce qui est généralement déconseillé lorsqu’on aborde un album live, et pourtant, quelle aventure ! Dans Urk, on a à faire à une musique aux aspects pop, mais qui renferme une originalité précieuse. Au premier abord certes, c’est une musique très légère, pleine d’humour, aux sonorités joyeuses (An Eating house), aux mélodies travaillées, et finalement assez abordable.
D’ailleurs, ils touchent ces bataves, p*tain ! Ils ont un sens de la mélodie fabuleux (The Skaters), une maîtrise de leurs instruments et un usage intelligent de ceux-ci (Slip of the Tongue ; A Touch of Henry Moore), et ils parviennent à s’éloigner des codes anglo-saxons pour produire une sonorité très européenne (The Panorama Man).
Pourtant on a une vraie proposition artistique, avec des expérimentations sonores et une liberté maline et franchement bienvenue (sur Telephone Song par exemple, avec ces solos fêlés, ces cymbales qui évoquent une friture sur la ligne, ce côté presque publicitaire, c’est bien vu).
Mais The Nits peuvent aussi être mélancoliques (et ça colle bien à la voix de Henk Hofstede, qui me fait beaucoup penser à celle d’Adrian Borland de The Sound). The Swimmer est une parfaite rétrospective onirique, rappel de l’enfance. Je ne suis pas freudien, mais le groupe parvient bien à y faire passer le surréalisme des rêves récurrents, la teinte d’une certaine tristesse, plongée dans les souvenirs décrépis de l’enfance, poursuivie juste après par la chanson The House, et ce temps qui passe, et qui ne peut laisser l’auditeur insensible. Le triptyque The House, The Swimmer et Two Skaters forment pour moi un point d’orgue émotionnel et musical très réussi.
Et au-delà de la cohérence des chansons, l’album nous plonge dans une vraie ambiance intimiste, avec un magnifique usage de l’espace (Red Tape), du silence aussi (The Mask, Home Before Dark). Sans doute l'album a-t-il été enregistré dans des salles moyennes, avec un public attentif et convaincu, dans un moment de partage précieux.
Le seul point noir, c’est peut-être que certains sons produits par les synthés numériques ont mal vieillis, mais je trouve que c’est ce qui donne le charme à cet album, puisque ça colle bien à la thématique des souvenirs, de l’enfance, et de ce temps qui passe, évoqué au long de l’album.
Véritable mystère que la confidentialité de ce groupe. Peut-être ont-ils voulu pousser trop loin les limites de la musique pop, quitte à demeurer ce trésor enfoui au sein des vastes plages néerlandaises. Et si c’était tant mieux ? Peut-être que croquer le fruit du succès les aurait éloigné de cette liberté et cette proposition artistique, qui sait ? Peut-être n'aurait on jamais eu cet intimisme si bienvenu ? Il n’empêche que cette pépite mérite, aujourd’hui, d’être appréciée de tout mélomane.