Il aura fallu attendre trois ans pour que l'idole des Aulnaysiens balance un nouvel album studio. V est le quatrième du nom, et succède à l'un des albums les plus aboutis et les plus épiques de la dernière décennie : Ce monde est cruel. Ce dernier est l'un de mes projets de rap francophone favoris : autant dire que j'attendais beaucoup de V, et je dois le reconnaître, ce nouveau projet de Vald ne m'a absolument pas fait le même effet que le précédent, qui m'avait transcendé et me transcende encore à chaque réécoute. Ce constat est cruel, mais j'ai été particulièrement déçu par V. Du moins, à la première écoute.
Et c'est là tout l'intérêt de réécouter un album. En redonnant sa chance à V, en évitant de refaire l'erreur de m'attendre à un Ce monde est cruel 2, et en me concentrant davantage sur la proposition de Valentino, j'ai pu envisager le projet autrement et parvenir à apprécier différents aspects :
- Son registre plus chanté, plus auto-tuné, loin des kicks énervés de Ce monde est cruel mais tout aussi bon à prendre car particulièrement bien léché.
- Sa diversité en termes de flow, habituelle chez Vald mais qui ressort une fois de plus dans V, dans des morceaux comme Papoose, Je ressens rien, ou encore Pas deux fois.
- Sa diversité en termes d'instru. On passe d'un Anunnaki très chanté et auto-tuné à un Qui écoute ? beaucoup plus désenchanté, en passant par du rap « pop » avec Regarde toi.
- Son écriture plus sérieuse, plus consciencieuse, plus politique.
- La grandeur de certains morceaux, qui après réécoute, finissent bel et bien par me transcender. Mon favori est Pandémie, mais Regarde toi et Annunaki m'ont aussi beaucoup marqué, de même que l'excellent Peon avec Orelsan, et le dernier featuring de l'album servant également d'outro à ce dernier, Happy End, mettant une nouvelle fois sous le feu des projecteurs l'inévitable Suikon Blaz AD.
Cette outro, d'ailleurs, est un véritable contre-pied : elle aussi est très auto-tunée, et contraste complètement avec un NQNTMQMQMB ou un Infanticide. Cela résume parfaitement l'album selon moi. Vald maîtrise son art depuis des lustres mais continue à surprendre, en prenant l'initiative de se renouveler, que ce soit sur le plan musical ou sur le plan lyrique. Ce renouvellement, j'ai eu du mal à l'apercevoir, encore moins à l'accepter, sûrement trop matrixé par l'extraterrestre qu'est Ce monde est cruel. Mais il existe. Et personne ne peut condamner une telle initiative, surtout lorsqu'elle vient d'un artiste qui n'a plus rien à prouver, si ce n'est montrer à ses rares détracteurs qu'il n'est pas seulement un rappeur décalé et qu'il est capable de se montrer plus « sérieux », voire même plus « musical ». L'attendre voir kicker sur V était sans doute une erreur de ma part, qui m'a empêché d'apprécier cet album à sa juste valeur à la première écoute. Mais je me suis rattrapé sur la deuxième... D'autant que Vald m'a quand même rappelé, avec son bonus Bien sûr, que s'il faut kicker, il kickera sans aucun problème !
V est donc, selon moi, une réussite, mais reste un peu en-deçà de Ce monde est cruel, qui est beaucoup plus éminent et puissant, ce qui me parle davantage ; question de goûts, sans doute. Mais il reste un album exceptionnel, qui aura réussi à me reconquérir lors de la réécoute, et c'est tout à son honneur.