Violator
7.8
Violator

Album de Depeche Mode (1990)

Après la tournée de référence qu'a été leur 101, conquérant de l'Amérique, le voilà donc, ce qui est censé être le chef d'oeuvre ultime des Modes. L'aboutissement de toutes ces années de travail les auront conduit vers ce « Violator », pièce maîtresse d'un groupe en perpétuelle évolution, mais aussi pièce maîtresse de la Synthpop puisqu'on les présente toujours comme les membres les plus importants, voire fondateurs du mouvement. Je ne vais pas vous le cacher, j'ai aussi beaucoup aimé. Je ne suis pas accroc au song-writing de Gore mais il arrive de temps en temps, ici ou sur Black Celebration que le garçon fasse du bon boulot, à défaut de merveilles. On ne peut évidemment pas passer à côté des deux singles de l'album, sans doute leurs deux plus gros tubes qui ont fini d'assouvir leur réputation, je parle bien sur de « Personal Jesus » et « Enjoy the Silence ».

Pour le premier, j'ai encore du mal aujourd'hui ; j'imagine que le riff était au départ un gimmick de synthé et qu'ils ont préféré sortir les guitares pour que ça sonne mieux... puis mélodiquement, le chant ne semble pas suivre de ligne précise, c'est assez terne, monotone. Mais en le réécoutant, je peux comprendre son succès ; la composition va dans tous les sens, accompagné d'un mixage dingue donnant lieu à plein de petits effets sympas, relevant la saveur du morceau... le côté répétitif le transcende entre deux genres, la techno et du rock style Stooges ; pas étonnant que Marilyn Manson et d'autres l'ont reprises. Personal Jesus n'avait rien à faire à la radio, l'Eglise ne dira pas le contraire et pourtant, il a vite percé, méritant amplement sa place de numéro 1 pour son côté novateur, formule que la bande tentera de reproduire mais avec moins de succès.

« Enjoy the Silence », dont j'écoutais la remasterisation de Linkin Park lorsque j'étais plus jeune, est d'emblée accrocheur. Outre cette fois-ci l'exemplarité mélodique, qui pousse le morceau au firmament de la synthpop, c'est l'ensemble qui le fait fonctionner ; le rythme à presque 130 bpm, le travail d'ambiance au clavier de Wilder, les petits effets de composition (comme le break house 90's à une minute), le chant de Gahan... Moins connu, le single choisi suivant « Policy of Truth » n'en est pas moins réussi, d'un style rappelant leurs débuts tout en restant cohérent, il suffit d'un son bizarre sur chaque refrain complétant un énième gimmick de synthé pour que ça fonctionne et que ça me fasse de l'effet.

Le succès de « Violator » vient surtout de la qualité de la production, irréprochable et monumentale, signée de l'anglais Flood. C'est d'une clarté, d'une propreté ! Et cela malgré la diversité des ambiances ! Quand j'écoute « World in my Eyes », je ne peux m'empêcher de penser au groupe Hot Chip aujourd'hui, qui arrivent parfois à atteindre la même justesse de mixage... alors que nous sommes tout de même 25 ans plus tard, que les techniques ont évolué depuis... Un modèle pour beaucoup, sans aucun doute. Si l'on veut comprendre l'influence de Depeche Mode sur la production actuelle, c'est cet album qu'il faut écouter.

J'ai pourtant envie de déprécier certaines pistes de l'album, encore une fois pour des raisons mélodiques. Mais que ce soit les ballades « Sweetest Perfection » ou « Clean », la progression est tellement jouissive, l'orchestration tellement forte et bien amenée que l'on finit par adhérer à n'importe quelle flegme de Gore, qui reste néanmoins à son sommet de songwriting. « Halo » et « Blue Dress » aussi auraient tendance à me laisser de marbre, mais cet enfoiré de Wilder me rattrape avec ses sons mystérieux qui viennent de nulle part. Puis y a « Waiting for the Night », qui par un minimalisme assumée arrive à produire une atmosphère tout simplement grandiose sur ses six minutes.

L'aboutissement de ces dix premières années de carrière dont je parlais dans mon introduction se concrétise ici de toute part : le chant de Gahan assure sans en faire trop comme il en avait la fâcheuse habitude, Wilder réussit à reproduire les beats indus d'antan avec des boites à rythmes, il s'éclate encore plus au clavier accompagné par Fletcher, Gore s'envole niveau composition et lyrics malgré ses mélodies simplistes et Flood harmonise toute cette créativité dans un Nirvana de la synthpop arrivant seulement en 90. Malheureusement, arrivé au sommet, il y a toujours un moment où il va falloir redescendre.
Strangeman57
8
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le 15 févr. 2015

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