Haken nous a habitués à livrer des albums de grande éloquence musicale. En matière de metal progressif, le groupe est largement devenu une référence malgré la rude concurrence (Opeth, Alchemist, Animals As Leaders, Leprous,...).
Bien sûr le niveau de jeu en est une des raisons car on ne joue pas du metal progressif comme on jouerait du punk, ce qui implique forcément une capacité à produire une musique riche, complexe et malgré tout cohérente. Les anglais de Haken sont à cet endroit irréprochables.
Le son est encore une fois chirurgical, que ce soit dans la massivité métallique des guitares et basses, comme dans l'ambiance électro ou encore dans le traitement des voix et l'aspect synthético-métallique de la batterie. Les textures sont très travaillées, sans aucun doute avec un gros travail des musiciens à la base, comme en studio ensuite. L'exigence se ressent jusque dans des détails de la production. La pochette est peut-être un peu trop consensuelle, tout en prenant le contrepied de bien des pochettes d'albums : Haken en a déjà l'habitude (Affinity, Vector).
Le chant est toujours aussi talentueux, la voix de Ross Jennings étant reconnaissable par son côté un peu haut perché. On sent les influences de Yes notamment, mais aussi quelques appuis sur Maynard James Keenan (Tool, entre autres). On pourrait souligner qu'il répète parfois des mimiques déjà empruntées sur de précédents albums, mais quel chanteur ne le fait pas. On peut simplement voir là un trait de personnalité, ce qui manque cruellement à certains chanteurs du style. En tous cas on peut trouver des aspects pop, par exemple dans l'introduction du long "Carousel". Mais on peut aussi entendre de belles variations et de subtiles placements rythmiques. Son efficacité nous emporte parfois au point de nous faire oublier la complexité du support musical : une prouesse difficile à réaliser !
Les morceaux sont très bien structurés, l'exigence étant aussi présente dans l'écriture des morceaux. A partir de la plage 6, apparaît un morceau découpé en cinq parties différentes : "Messiah Complex". Ce genre de concept est risqué, mais il se trouve qu'il est réussi.
Le titre de l'album est d'à propos, vue notre situation sanitaire de 2020. Un aspect consensuel, histoire d'être à la page ? je ne suis pas certain qu' Haken en ait besoin mais en même temps on pourrait se dire que c'est un trait stratégique typiquement anglais que de jouer avec les codes commerciaux : ils font le job !
Il y a des morceaux courts et pertinents : ils sont capables de donner dans l'efficacité. D'autres sont plus longs ("Carousel" dépasse les 10 minutes). Là aussi, rien n'est bâclé ou laissé au hasard.
Ce groupe n'en finit pas d'apporter de la fraîcheur dans le paysage metal progressif. A bien écouter leurs albums, on peut dire qu'ils ont déjà une belle carrière. On pourrait s'attendre (un jour peut-être ?) à voir le groupe nous proposer des ouvertures plus larges. Mais pour l'instant on peut apprécier leur parcours sonore richement constellé.