N'y a t-il que dans un crématorium qu'on trouve de la chaleur humaine ?
Le Klub des loosers. C'est du rap ouais, mais toi qui zone dans le quartier à la recherche d'un peu de rabla et de filles de petites vertues - sauf maman -, tu risques d'être déçu. Fuzati, c'est pas franchement "nique sa mère la réinsertion", son problème à lui c'est l'insertion tout court, c'est pas du bling bling, c'est même pas du rap conscient, d'ailleurs je vous ai menti : c'est même pas du rap.
"Dans le rap je n'aime que les gens qui disent que le Klub des Loosers ce n'est même pas du rap parce que eux me laissent tranquille." (Baise les gens)
"Vive la vie" est le premier album du Klub des Loosers, un album-concept représentant, selon les propres termes de l'intéressé, "un journal adolescent". Le point de vue d'un adolescent plutôt désabusé, misanthrope et cynique au possible, qui perd espoir en l'espèce humaine et en la société. Les chansons sont entrecoupées d'interludes où on entend ce fameux "ado" téléphoner à une fille, perdant petit à petit espoir d'arriver à la pécho, symbole de la progression psychologique de l'album.
"Cela va faire longtemps, déjà étant enfant
A l'école, dans la cours
Mon meilleur pote était un banc
Je compris à son contact que mes relations seraient dures
Qu'il fallait que je sache pour ne pas être déçu
Que les amis, tout comme lui
Je pouvais m'asseoir dessus" (Un peu seul)
Fuzati, c'est pas un flow énorme, il faut s'y habituer, on pourrait même trouver sa voix un peu agaçante de prime abord... C'est pas très joyeux non plus, ça respire pas la joie de vivre, c'est même plutôt déprimant. Mais c'est aussi original, ça change, c'est un vrai exutoire, Fuzati balance toutes ces choses que notre civisme et notre éducation nous empêchent d'exprimer, cet espèce de ras-le-bol général qu'on a tous déjà ressenti un jour, quand ce jeune branleur avec ses écouteurs et son tee-shirt du Che t'es passé devant dans la queue de la Poste et que tu n'as pas bronché parce que ça n'en valait pas la peine et que de toute façon, il se rendrait compte bien assez vite que c'est bientôt la pause café pour la secrétaire du seul guichet ouvert. Et puis de toute façon tu n'es probablement pas dans la bonne file, ce qui se rapproche pas mal de l'exploit puisque, si vous avez suivi, il n'y en a qu'une.
"Papillon, petit pois, scie sauteuse, une princesse l'air très malheureuse
Arc-en-ciel, métallurgie, papier, crayon
Quand je rappe, je dis à peu près tout ce qui me passe par la tête
Mes dernières rimes parleront sûrement d'une toute petite balle de plomb !" (Pas stable)
Si tu arrives à connecter 2 neurones sans faire un anévrisme, arrivé à ce point tu auras compris que si j’inonde ma critique de lyrics depuis tout à l'heure, c'est pas parce que j'aime le contact du CTRL-V sur mes doigts ou parce que j'ai confondu senscritique avec mon skyblog xxblond-ténébreux-du-13xx. Si tu as du mal à respirer c'est normal, c'est le manque d'habitude, c'est pas évident de déduire des trucs, et puis ma référence web 1.0 où la classe internationale se résumait encore à avoir un émoticone-pénis sur MSN t'a probablement perturbé.
Ce que j'ai essayé de dire aussi subtilement qu'un patron de bar voulant virer son dernier client ayant décidé que le comptoir était plus agréable pour son crâne que les jérémiades de sa femme, c'est qu'en plus des instrus relativement bonnes, le gros point fort de cet album (et de Fuzati en général) ce sont les textes ! Je pense vraiment qu'il n'y a pas grand chose qui se fasse de mieux dans le genre, il y a un tel style, une telle intelligence dans l'écriture, toujours au service du propos... Le type a l'élégance de défoncer ton mode de vie avec classe et talent et ça c'est bien, ça te rappelle même que tu pisses régulièrement dans les plantes de ton voisin en rentrant après le boulot parce que c'est un sale con qui balance ses poubelles sur ton balcon.
"Si la vie était un test de mathématiques tu aurais zéro
Pour ne pas avoir su calculer cette identité remarquable que je suis
Mon envie de me soustraire à ce monde demeure proportionnelle à ma faculté de savoir multiplier les échecs
Et je ne m´excuse pas
Si je ne te calcule pas
Moi, si je suis nul en maths c´est que je n´ai jamais compté pour personne" (Le manège des vanités)
Tu l'auras compris, je te conseille vivement cet album. La forme peut être un peu rebutante au début, même si on finit par s'y habituer et même par beaucoup apprécier dans mon cas ; mais les lyrics restent un must et justifient à eux seuls qu'on s'intéresse à cet album, un peu comme la classique "pipe aveyronnaise" à 10€ de Chez Nicole le vendredi soir.