Guerre éternelle. Arch Enemy n'a jamais vraiment fait dans la dentelle. Fier étendard du death mélodique suédois, le bébé de Michael Amott sévit depuis plus de 20 ans. D'abord vociférés par les lourds attributs vocaux de Johan Liiva, les textes du groupe furent, par la suite, confiés à une journaliste, Angela Gossow. Choix vivement commenté à l'époque. Une femme chantant du death n'était pas monnaie courante à l'époque. Qu'importe! Elle fut une front-woman populaire, qui a su conquérir le cœur des fans. Et pourtant, courant 2014, le groupe annonce son départ, et annonce un nouvel album. Pour faire court, la chanteuse allemande, en place depuis 2001 a décidé de passer les armes à Alissa White-Gluz (ex-The Agonist). Ce, pour mieux se centrer sur le management du groupe. Autre départ, Christopher Amott quitte son frère pour laisser son poste de guitariste à Nick Cordle. (Lui-même remplacé par Jeff Loomis (ex-Nevermore) au cours de la tournée de promotion... Ouf!).
Et c'est un passage de flambeau réussi à tout les étages. Outre le talent indubitable de la jeune femme, son style est appuyé par un sérieux regain d'énergie. Car, soyons honnêtes, depuis Anthems of Rebellion (2003), le groupe avait sérieusement baissé le pied, et perdu de sa superbe. 2-3 classiques par-ci par-là, des morceaux en pilotage automatique, merci, au revoir. Alissa rejoint donc une formation ronronnante, se reposant sur ses lauriers.
La spontanéité de War Eternal contraste avec Khaos Legion, son pondéré prédécesseur. Après une intro menaçante, le groupe nous fracasse d'entrée avec le monumental "Never Forgive, Never Forget". Arch Enemy est bel et bien de retour, dans une forme olympique. Brutal, tranchant et inspiré, le groupe utilise sa traditionnelle recette. Riffs heavy/thrash et leads furieux. La section rythmique Erlandsson/D'Angelo est toujours au top.
Le plaisir est loin de s'arrêter, car si le titre d'ouverture remplit son rôle à merveille, que dire de ce qui le succède? Une ribambelle de tubes. Soyez prêts à les voir garnir les setlists du groupe pendant longtemps. La piste éponyme envoie un riff furieux suivie d'un couplet très heavy. La transition se fait avec toute la maîtrise technique à laquelle Arch Enemy nous a habitué. L'envie d'en découdre est bien présente. Pas de titres de remplissage, ou de mid-tempo hasardeux. Pas de voix traffiquée au mixage. Tout s'enchaîne naturellement, là où les précédents albums nous invitaient poussivement à pénétrer leur univers.
War Eternal prend l'auditeur par la main, et l'incite à festoyer joyeusement. "No More Regrets", "You Will Know My Name", "Stolen Life" sont de vraies petites claques. L'occasion de s'arrêter sur ce qui nous intéresse tout particulièrement. Le chant d'Alissa. Beaucoup moins brutal et arraché que celui d'Angela, la canadienne n'a, pour autant, rien à lui envier. Ses vocaux tapent dans un registre un peu plus sournois, perçant et vindicatif. Elle y met toutes ses tripes. Sa vitesse d'exécution (Absolument jouissive sur "As the Pages Burn") est impressionnante. Son talent s'exprime aussi par la plume, puisque Michael lui a laissé une grande place au niveau du song-writing. Nul besoin de s'étendre sur la qualité des paroles à ce propos. Les textes sont toujours autant diversifiés comme je l'évoquais plus haut.
Je parlais justement d'As the Pages Burn, qui constitue, à mon sens, le morceau-phare de l'album. Le genre de composition qui manquait cruellement aux précédents opus. Un couplet ultra-speed, interrompu brutalement, mais de manière cohérente par un refrain fédérateur. Faisant de lui un incontournable en live. Mon titre favori avec, "Avalanche" qui use d'éléments symphoniques. Une chanson qui sort (un peu) des sentiers battus. Appréciable.
La réussite de War Eternal, c'est de renouer avec l'immédiateté. Des mélodies toujours savoureuses, des riffs tranchants, et des soli à la précision chirurgicale. L'arrivée d'Alissa aura peut-être grandement contribué au retour en forme d'Arch Enemy, peut-être pas. En tout cas, l'album est absolument conforme avec ce qu'on est en droit d'attendre du groupe. Explosif, mais aussi carré et précis. Les tubes et petites pépites se confondent et sont à leur place. Les titres moins mémorables ne souffrent pas non plus de défauts majeurs, sinon qu'ils captent difficilement l'attention. Arch Enemy nous rentre dedans, et la collision est délectable.