Watch the Throne par matic
Je ne vois pas trop quelle autre association de 2 rappeurs pourrait créer une attente du même niveau que ce ‘Watch The Throne’, avec toute objectivité Jay-Z et Kanye West survolent depuis plusieurs années toute la concurrence si on se place au niveau de l’impact (musical et autre) qu’ils ont dans le rap game et aussi en dehors de ses frontières. Ces 2 artistes ont pris l’habitude de collectionner les succès en tout genre, les plaçant légitimement ou pas, tout en haut de la pyramide avec un album en commun sous forme de cérémonie solennelle à l’accession ultime de leurs trônes. Si l’album n’est pas produit entièrement par le MC/beatmaker de Chicago, on retrouve sa patte et celle de son bras droit Mike Dean sur la plupart des titres où ils viennent rajouter leur petite touche (première fois que j’entends des beats de RZA et Q-Tip sonner comme ça). D’un point de vue de l’univers sonore on reste très proche des 2 derniers projets solo de Jigga et Ye avec leurs albums respectifs ‘The Blueprint 3’ et ‘My Beautiful Dark Twisted Fantasy’, les adeptes de Mr. West seront en terrain conquis et ceux de Mr. Carter resteront sur la lancée de l’ouverture musicale opéré par le rappeur New Yorkais sur son ‘BP3’.
Ce projet s’ouvre par les 2 morceaux ‘No Church In The Wild’ avec l’Odd Futurien Frank Ocean et ‘Lift Off’ avec Beyoncé, si je trouve le premier loin d’être mauvais malgré ce côté toujours surplus qui ne me convient pas dans ce genre de prods de Kanye West, le second me laisse perplexe comme les 4 seules petites mesures de Jay-Z qui laisse Kanye et sa femme se perdre dans leur grand show. Après sa mini prestation le MC de Brooklyn se rattrape avec le ‘Niggas In Paris’ concocté par Hit Boy qui change vraiment du tout au tout avec les 2 morceaux précédents (excepté l’outro de ce titre), en tout cas j’aime bien le délire comme le très bon single ‘Otis’ dont la vibe d’Otis Redding est vraiment excellente et me fait regretté que l’album n’aille pas plus souvent dans cette direction avec ce genre de sample. Il fallait s’y attendre comme sur les 5 derniers projets de Jigga on retrouve un beat des Neptunes et ce ‘Gotta Have It’ a de quoi me plaire avec des samples de James Brown bien utilisés et des couplets entremêlés des 2 artistes qui donnent toujours une dynamique intéressante.
Les fans absolus du Wu paieront certainement chère pour entendre la version originale du beat de RZA pour ce ‘New Day’ mais en attendant ils devront se contenter de la version revue et corrigée par la team à Kanye, un bon morceau emo rap dédié à leurs fils qu’ils n’ont pas (encore). Au bout de 10 écoutes ce ‘That’s My Bitch’ devient de plus en plus fatiguant, ce qui est sûre c’est qu’à mi-album il n’y a pas vraiment d’unité dans ce projet, juste un enchaînement de morceaux plus ou moins bon dont les ‘Welcome To The Jungle’ (Swizz Beatz) et ‘Who Gon’ Stop Me’ (Sak Pase & Kanye West) sont à mettre pour moi dans la catégorie peu reluisante. Quand Swizz Beatz met de côté ses compositions pour utiliser des samples ça devient tout de suite plus intéressant, et cette réinterprétation du ‘La La La’ des Indiggo Twins sur le double titre ‘Murder To Excellence’ est vraiment jouissif avec une 2ème partie tout aussi excellente produit par S1. Le 2ème essai de Sak Pase avec ‘Made In America’ et cette seconde participation de Frank Ocean resteront pour ma part anecdotique, j’aurais préféré entendre par exemple le travail de Just Blaze et DJ Toomp qui ont déjà fait leurs preuves avec ces 2 artistes, et qui font partie des grands absents ce cet événement (avec No I.D. qu’on retrouvera juste en bonus track).
A l’image du ‘BP3’ cet album se conclu avec un gros sample dont on sait d’avance qu’un succès minimum sera assuré, on retrouve Mr Hudson pour cette réinterprétation du hit ‘I Love You So’ du duo Français de musique électronique Cassius, une french touch toujours surveillé de très prêt par Kanye West. 12 morceaux dont la moitié passe plutôt bien voir très bien avec 4 bonus track à l’image de cet opus, d’un côté ‘Illest Motherfucker Alive’ (Southside) et le regrettable ‘H.A.M’ (Lex Luger), de l’autre les excellents ‘Primetime’ de No I.D. et ‘The Joy’ de Pete Rock qui auraient à mon avis mérité une place dans la tracklist officielle… Le duel au mic entre Kanye et Jigga est loin de ce qu’on aurait pu espérer au début des années 2000, les 2 MCs se contentent la plupart du temps de se laisser glisser sur les différentes productions, les éclaires sont rares et l’essoufflement inquiétant de Jay-Z déjà aperçu sur son dernier solo est encore là. J’étais persuadé que ce face à face entres ces 2 artistes allaient redonner un coup de pêche aux 2 intéressés mais au final ils restent très sage et on ne peut pas dire que la prise de risque est la ligne directrice de ce projet, ils ont décidé de sortir un album typé très gros son et très actuel, le style très synthétique de la grande majorité des morceaux on rebutera certains.
La grosse moitié des titres tournent autour du même thème ou ils y étalent leurs fortunes respectives, leurs styles de vie et leur impact dans le rap game, il faudra se contenter des morceaux comme ‘Otis’, ‘New Day’, ‘Murder To Excellence’ et ‘Made In America’ pour aller un peu plus loin que la mégalomanie ambiante. Jay-Z et Kanye West ont assuré l’essentiel avec ce ‘Watch The Throne’, un probable gros succès commercial au dépend d’un produit qui aurait pu (aurait du) être plus ambitieux, ça reste un bon album typé très major dont seulement quelques morceaux feront date à défaut d’un projet inoubliable. Je ne peux m’empêcher de penser que ce LP ressemble finalement plus au MC/Beatmaker de Chicago, normal me direz vous étant donné qu’il est omniprésent dans les productions, et c’est peut être là que se joue ma perception ambigu de ce projet avec un Jigga que je trouve pas vraiment alaise sur ce genre de son, à l’image du niveau général de son ‘BP3′. Dans leurs discographies respectives ils ont déjà fait beaucoup mieux, et si le mélange Jay-Z/Kanye West n’était finalement pas si évident et efficace que ça…