"Hi, hi, I was running after you for a long time."
On est en 1979. L'année d'Unknown pleasures, de Fear of Music, d'Entertainment. La vague punk perd de son élan, le genre évolue, on bascule définitivement du côté du post-punk et de la New Wave. Fini, le temps des guitares abrasives jouées n'importe comment, on revient à quelque chose de plus construit, de moins sauvage, de plus ambitieux.
Patti Smith, elle, elle était là avant le punk, vous pensez. Avant, elle écrivait des poèmes. Un beau jour, elle décide de les mettre en musique, et de fil en anguille ça a donné Horses, un album encore acclamé aujourd'hui. Un jalon du proto-punk qu'on dit. Ça n'en a pas encore le côté agressif, les textes sont encore très littéraires, mais ça en a la spontanéité. Après ça, il y aura Radio Ethiopia, qui va justement plus appuyer sur le côté agressif de sa musique (et qui, à titre personnel, remporte ma préférence). Puis Easter, moins spontané, plus carré, Patti Smith commence à avoir une expérience certaine et ça se ressent.
Tout ceci pour aboutir, donc, à ce Wave, où Patti s'inscrit plus que jamais dans l'air du temps. Wave comme New Wave, dont l'influence se fait terriblement sentir dans le "Frederick" d'ouverture. Les premiers morceaux semblent bien innocents, sautillants, le son prend des rondeurs inédites, les paroles se font moins provocatrices. Patti Smith s'est calmée.
Et puis, fin de la face A, voilà que surgit Revenge. Retour à une musique lyrique, pleine d'emphase, retour des guitares saturées, le côté lumineux qui semblait guider l'album disparait pour faire place à une atmosphère oppressante. On entre dans la face B, et c'est le même topo : Citizen Ship n'a rien de la petite balade innocente, Seven Ways of Going part dans le discours mystique grandiloquent avec des crescendos presque noises, Wave est un morceau intimiste et mélancolique avec une instrumentation proche de l'ambient, il n'y a guère que Broken Flags qui renoue avec le côté lumineux et classique de la première partie.
A l'écoute, ça donne un côté un peu schizophrène, on sent Patti Smith tiraillée entre ses propres explorations musicales et les morceaux plus classiques, plus dans le moule de son époque. L'album est produit par Todd Rundgren (qui a produit, entre autres, New York Dolls, XTC, The Band...), ce qui explique peut-être ce grand écart entre plusieurs styles bien contradictoires. L'avantage est que ce côté disparate rend l'album assez accessible tout en ayant des passages beaucoup moins happy friendly.
J'ai personnellement un gros faible pour cet album, principalement grâce à sa deuxième moitié, qui contient parmi les morceaux que je préfère chez Patti Smith (Citizen Ship, Seven Ways of Going...). Il vaut peut-être mieux commencer par Horses ou Radio Ethiopia si vous voulez écouter une Patti Smith qui fait sa musique sans contrainte, ceci dit, mais ça reste un album éminemment intéressant, l'artiste ayant décidément un grand talent en matière d'écriture musicale.
Peu de temps après cet album, Patti Smith se retirera de la musique pour se consacrer à son mari. Elle fera un come-back en 88, avec un Dream of Life bien raté à mon goût, puis en 1996, en reprenant la musique pour de bon cette fois, avec des albums, ma foi, loin d'être honteux.