Il y a fort à parier que l’œil de la pochette de We Are The 21st Century Ambassadors of Peace & Magic du duo Foxygen regarde derrière lui, résolument tourné vers le passé. Celui, glorieux et depuis longtemps fantasmé, des sixties. La presse semble, sinon couronner, du moins établir Sam France et Jonathan Rado en nouveaux espoirs de la pop nostalgique ultra-référencée, de ceux qui parviennent à sublimer leurs influences pour apporter un souffle nouveau à leurs compositions. Mais en fait de souffle, on distingue plutôt un catalogue bordélique (et souvent incohérent) de clins d’œil passéistes qui camoufle une crise identitaire.

Faire du neuf avec du vieux, voilà donc le pari de Foxygen. Sur ce terrain malheureusement, le groupe pâtit de la comparaison avec les Fiery Furnaces. En s’inspirant de la formule du mini rock-opera des Who, A Quick One While He’s Away, ces derniers parvenaient à se construire une identité sonore forte en incluant dans leurs compositions labyrinthiques nombre de synthés bidouillés et autres sons inattendus qui empêchaient des les confondre avec la masse informe de revivalists en tous genres. Or sur We Are The 21st Century Ambassadors of Peace & Magic, on déplore précisément le peu de démarcation du groupe par rapport à ses idoles. Plongé dans sa collection de vinyls, le duo ne marque pas sa musique d’une signature immédiatement reconnaissable, restant manifestement bloqué dans l’adoration béate des géants des sixties.

De fait, les mimiques de ces antiques idoles sont reproduites avec un soin tellement minutieux qu’on a l’impression de se plonger dans un melting-pot trop condensé et parfois caricatural des disques d’alors. Niveau chant on passe de l’imitation d’un Jagger en sucre aux singeries maladroites du punk old-school, trouvant un peu de Dylan par-ci et de Lou Reed par-là. La composition aussi part dans tous les sens, mélangeant parfois au sein d’un même morceau folk, acid-rock, Motown, une pincée de Velvet et une grosse louche de Stones. Au milieu de cette foire aux tiroirs, on pourrait souhaiter que le duo développe parfois ses idées au lieu de les empiler les unes après les autres à la suite ; c’est-à-dire qu’il laisse à ses mélodies en pagaille une chance de briller, sans les faire s’interrompre les unes les autres. Comme sur la très jolie « San Francisco », perle de l’album qui, elle, digère bien ses Kinks sans en étaler partout, sans l’hybrider avec le tout-venant, laissant ses chœurs béats faire leur effet entraînant. Ou encore la ballade soul-pop « Shuggie », sobre et remplie de bons sentiments. Exploiter ainsi les nombreuses idées qui pullulent, effectuer un travail de simplification sur leurs compositions leur garantirait un album plus cohérent et pas forcément moins fun ! La perspective d’un mashup sixties paraîssait alléchante au premier abord, promettant un voyage dans le temps comme petit plaisir coupable, mais les écoutes prolongées démentissent les promesses de fraîcheur qu’on lit un peu partout dans les critiques (*).

Une fois redescendus de notre petit nuage rock’n’roll… On s’ennuie un brin. Les velléités rétros du groupe prennent toutes les allures d’une crise d’adolescence dans laquelle France et Rado tenteraient de se construire eux-mêmes au travers d’une identification extrême à leurs modèles. Le comble : au détour d’un « On Blue Mountain »on se rend compte qu’on a déjà entendu ça quelque part… Oui, c’est bien MGMT qui semble pillé de sa formule foutraque, pourtant elle-même sacrément référencée sixties rose-bonbon. Du revival de revival ? Mince, ça devient vicieux cette affaire-là ! Si bien qu’au bout du compte, on préfèrera délaisser les resucées juvéniles du groupe et retourner aux originaux forcément plus authentiques dans leur démarche, et plus talentueux aussi.

(*) MagicRPM et Pitchfork notamment, qui évoquent respectivement une « vraie bouffée d’oxygène » et un « cool nonchalant ».
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le 25 sept. 2013

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T. Wazoo

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