Welcome to My DNA par Benoit Baylé
Avec Steven Wilson, Vadec Sago le mirifique, critique devant l'éternel (l'éternel n'osant le critiquer), avait découvert une figure emblématique et moderne d'un mouvement musical dont la grandiloquence à double tranchant fut la cause à la fois de son succès et de sa déchéance : le rock progressif. Avec Deadwing, le chroniqueur s'était trouvé un concentré de perfection émotionnelle et technique, parangon de création originale à la personnalité renversante. Cependant, avec Blackfield, l'avis de Vadec apparaissait moins tranché. A un premier album éponyme qu'il arborait comme la quintessence d'une pop mélancolique et accessible suivit une seconde réalisation nettement moins frappante et par conséquent décevante. Il faut dire que malgré un album solo infernal et dépressif, Steven Wilson le désillusionnait depuis quelques années. Welcome to The DNA, le nouveau Blackfield, allait-il réconcilier les deux génies ?
Lors d'une soirée d'avril, alors que l'hiver austère fuyait un printemps joyeux qui pointait chaleureusement le bout de ses iris floraux, Vadec s'arma de son épave informatique et commença à rédiger un nouvel apophtegme :
" La première collaboration studio du duo israélo-britannique Wilson/Geffen m'avait confortée dans ma vision neurasthénique de la musique, nettement plus intéressante dans la mélancolie. Une pop accrocheuse, des notes de piano omniprésentes et mémorables, des chants torturés… Tous ces ingrédients ont fait du premier Blackfield un monument du genre, à des lieues des standards de la brit pop. Grâce à des titres exceptionnels comme "Open Mind", "Blackfield", "Pain", "Cloudy Now", "Hello", la coopération des deux musiciens s'était révélée fructueuse artistiquement et financièrement.
Dans Welcome To My DNA, et c'est une divergence de taille, Aviv Geffen prend la responsabilité de la composition, Wilson étant simultanément occupé à écrire son deuxième album solo. Le résultat final prouve que la différence de niveau de création entre les deux hommes est indiscutable : là où le britannique créait des mélodies marquantes, l'israélien s'empêtre dans des mélopées fumeuses, proches d'un art rock nébuleux et obscur.
L'absence de Wilson dans le procédé de composition se reflète également dans le chant, nettement moins inspiré : "Go To Hell" par exemple. Malgré une utilisation des cordes mémorable, des intonations linéaires enlisent le titre dans l'oubli, immédiatement omis une fois ouï. Geffen prend également le contrôle de l'écriture de l'ensemble des titres. D'aucuns ont critiqué la compétence à l'écrit de Wilson sur les derniers Porcupine Tree : qu'ils écoutent cet opus, et ils réaliseront qu'elle n'est finalement pas si déplorable. "Fuck you/Fuck you all", plus loin "I don't care/I don't care" avant de reprendre avec joie "Fuck You/Fuck you all"… Mon appétit de paroles constructives dans des oeuvres estampillées "rock prog" et même "pop" n'est définitivement pas rassasié. Certains y verront un conservatisme chétif et peu productif. Ce à quoi je répondrais avec la force d'un "na-na-na-na-nère" pour bilingues : "I don't care, I don't care".
Cependant, l'ajout des cordes par Wilson, omniprésentes, est extrêmement encourageant et augure un bel avenir aux prochaines compositions du duo si ce dernier daigne reprendre le fardeau de la composition et surtout de l'écriture. A trop s'éparpiller, il va finir par nous proposer des œuvres de moins en moins consistantes, à l'image de l'Incident de 2009… "
Agacé et surtout déçu, Vadec éteignit son ordinateur portable, l'humeur massacrante. Etait-il le seul à ne jamais décevoir ? Etait-il l'unique homme absolu ? Dieu que l'être créateur peut être cruel : cette solitude intelligente et mégalomane qu'éprouvait le jeune homme n'était pas salvatrice, bien au contraire. Et si Vadec n'était finalement qu'un pauvre matamore ? C'est dans cette ambiance douteuse qu'il s'endormit, l'âme tourmentée.