Oasis est un groupe qui se redécouvre. Car de toute façon, vivre sa vie sans tomber sur un de leurs morceaux au détour d’un guitariste en surplus de confiance autour d’un feu de camp, d’une soirée un peu trop ringarde pour faire partie de ce siècle, ou d’une radio qui décidément ne comprendra jamais qu’une bonne chanson s’écoute avec parcimonie, paraît presque aussi difficile que de faire sortir une parole sensé de la grande gueule de Liam.
« You know i think I recognize your face, but I’ve never seen you before »
Pour l’exercice, imaginons que vous n’ayez jamais entendu parler du groupe. On nous balance des morceaux à base de couplet refrain sans variantes, comme si on était dans les 60’s. À quoi bon regarder vers l’avenir quand les Beatles ont déjà tout dit depuis longtemps ? Je suis mauvaise langue, on a tout de même droit à l’outro réglementaire sur chaque morceau qui fait dans la surenchère de saturation et de vomissements de voyelles.
De toute façon ils sont anglais, l’indigestion ils connaissent pas.
On peut quand même reconnaître que l’accent mancunien reste le plus cool d’Angleterre lorsqu’il s’agit de faire vivre la crasse d’une ville où les animations sont aussi présentes que les rayons de soleil, donc Liam, la meilleure voix du rock pendant au moins deux ans, qui me gueule une phrase en boucle comme s’il cherchait à s’embrouiller sans pouvoir assumer la baston mais sans jamais la fuir, ça donne un certain charme à cette envie de tromper l’ennui.
Les frères Gallagher restent avant tout des adolescents dans leur tête, malgré l’évolution vers plus de maturité (si on veut) avec cet album. La rébellion du rien, le refus de l’intellectuel, l’envie d’aller explorer des territoires inexplorés dans leur tête…
« Where were you while we were getting high ? »
On le sait, les frères ennemis ont passés beaucoup de temps à profiter de toute sorte d’expérience. Et n’allez pas imaginer des expérimentations musicales amenant à une évolution vers de nouveaux horizons progressifs, ou encore une violence tirant toujours plus vers le hard-rock (qui perd avec ce groupe le titre de style produisant les meilleures ballades), Noel vous tuerait. De toute façon ça deviendra assez clair dans les travaux futurs, le nez des Gallagher ne sert pas seulement à sentir l’odeur de la passion des tribunes du stade. Et bizarrement, les imperméables qu’ils apprécient tant deviennent trempés de l’intérieur. "It’s just rock’n’roll" qu’ils disaient un an plus tôt, comme un hochement de tête aux Stones qui eux rajoutaient "but I like it". Oasis n’aime pas seulement le rock, il le sniffe et se l’injecte directement dans les veines.
« As he face the sun he cast no shadow »
Ça faisait un moment qu’il avait disparu de l’Angleterre, d’ailleurs. Cette île qui avait vécu les plus grandes révolutions du style musical n’arrivait plus à s’exporter. Outre atlantique, un blond avec le monde à ses pieds persistaient à dire qu’il voulait mourir. Et la jeunesse marchait avec lui. Pour des frères qui ont grandi en étant fan du Manchester City des années 90, c’était dur à avaler (mais qu’est ce que les ricains y connaissent au foot finalement ?). "La fierté dans la bataille" annonce le blason du club. Pour les Gallagher, ce sera la bataille contre la vie, ou plutôt avec elle. "We’re gonna live forever" résonnait encore partout dans le monde, et voilà qu’ils nous remettent ça avec "Some might say we will find a brighter day".
Et celui qui nous le dit n’est pas n’importe qui. Il s’agit de la dernière vraie rock star, celle qui aura le monde dans sa poche, et qui s’en servira à ses propres fins égoïstes. Perso, ça ne m’a jamais dérangé. Car après ça, la musique ne sera plus jamais pareille.