On a tous ce pote qui fait de la guitare, depuis plus ou moins longtemps, qui chante un peu et qui sort sa gratte dès qu'il peut et en toutes les occasions possibles. En soirée, sur la plage autour d'un feu de camp, enfin, vous voyez le truc.
Si vous étudiez un peu les habitudes de votre pote, vous verrez qu'il ressort fréquemment les mêmes chansons, même si Ô joie son répertoire se diversifie avec le temps. Mais bien souvent, une chanson revient toujours. Vous savez de quelle chanson je veux parler. Eh bah vous savez quoi, une étude américaine FIABLE a démontré qu'en 2008, 93% des gratteux qui se sont retrouvés dans une des situations précédemment citées ont chanté cette fameuse chanson, si si. Et ce chiffre, en CONSTANTE augmentation, est là pour nous rappeler que jusqu'à la fin de notre courte jeunesse, on aura droit à cet irrémédiable mec pas très original mais néanmoins innocent et touchant qui chantera cette chanson plus ou moins bien.
Résultat, je pense qu'on a tous un petit truc contre cette chanson et contre Oasis en particulier, qui est souvent catalogué comme LE groupe de la guitare de feu de camp par excellence avec Radiohead. Du coup, on entend aussi, en plus de ce morceau magique, dire les mêmes choses sans arrêt. Et que toutes leurs chansons se ressemblent et que blabla c'est de la merde et blabla oui les chansons torturées c'est beaucoup mieux ça montre plus le côté torturé (logique) de l'artiste et blabla Nirvana c'est beaucoup mieux etc.
Et effectivement, Oasis est fondé, au départ, sur une philosophie plutôt simple : le grunge y en a marre, et puis merde, la vie n'est pas constamment en train de nous violer dans la bouche, il y a autre chose que la jeunesse épuisante que chantent Kurt Cobain et ses copains. La vie c'est cool ouais, ce que je veux dire, c'est que quand elle est là, il n'y a pas à se demander comment la rendre meilleure, autant vivre à fond. Un peu facile à dire, peut-on penser au départ. Mais encore faut-il arriver à bien le dire. Ce que je veux dire par-là, c'est qu'avec un message aussi simpliste, la forme compte autant que le fond.
Et avec Oasis, ça marche super bien, du moins pour les deux premiers albums. Jamais le fond n'aura jamais été si effacé par la forme. Car oui, ce que je trouve fascinant avec ce groupe, c'est que à aucun moment quand j'écoute ces deux albums, je n'entends la moindre once de malaise ou de tristesse ou de quelconque sentiment négatif. Tout ce que j'entends, c'est l'envie de vivre, l'envie d'aimer comme des gosses. Dans les paroles d'abord, mais dans la musique surtout.
En prêtant une oreille attentive à ce que raconte Liam ou, à l'occasion, Noel Gallagher, on se rend vite compte que les paroles sont rarement très profondes, pas forcément mal écrites d'ailleurs, mais que ce soit sur la classique chanson d'amour ou sur d'autres chansons plus space comme Champagne Supernova, on retrouve toujours la même tendance de fond : on a le droit de vivre à fond, on veut vivre à fond, on peut vivre à fond, et on va le faire. Tout va bien cousin. Le message est très clair, pas compliqué, sans prétention. Certes, ça n'est pas très recherché, mais ça fonctionne super bien. On est bien et on finit par avoir envie d'être bien. Y a qu'à regarder les titres de leurs chansons : Live Forever, Cigarettes & Alcohol, Supersonic, Up In The Sky sur leur premier album, Don't Look Back In Anger, She's Electric sur celui-ci, etc. Et ça fonctionne parce que ça contraste avec le faux punk pseudo-torturé des années 90, ça contraste avec le grunge qui est doucement en train de s'enterrer en même temps que l'est le cercueil de Kurt Cobain. Même si c'est très loin sur le plan du strict contenu des messages d'amour et de paix distillés dans la fin des sixties, finalement ça s'en rapproche assez dans l'esprit.
Mais leur musique, c'est encore autre chose. Leur premier album, Definitely Maybe, nous envoie en pleine tête quelque chose de très rock, mais pas que : il y a en plus un truc impossible à définir avec précision, un truc relaxant et exhaltant en même temps. En bref ça supporte bien cette envie de vivre à 200%, d'être supersonique ; et ce sentiment est retrouvé, sublimé dans Morning Glory.
Ici, on ne parle pas de musique compliquée, on ne se prend pas la tête : les guitares au premier plan, quelques accords, une mélodie ultra efficace et planante, un solo calé comme papa dans maman, et dans le ton du reste. Voilà le morceau type d'Oasis sur Morning Glory. Britpop quoi, mais putain mon vieux c'est bon. Ca n'invente rien à proprement parler, mais ça respire la joie, la volonté de prendre sa revanche sur la vie cette sale race (vous avez 4h) et pas de rester au fond du seau comme on peut parfois l'entendre de l'autre côté de l'Atlantique à la même époque.
Je veux dire, quand on écoute des morceaux comme Wonderwall, Don't Look Back In Anger, She's Electric, Cast No Shadow, Champagne Supernova, ou n'importe quelle chanson de cet album, où qu'on soit, on ne peut que penser à la même chose (même si c'est particulièrement efficace au coin d'un feu) : Je suis bien. La vie, c'est bien. J'ai envie de vivre, merde. A ce moment précis, je suis bien. Un peu comme après un gros joint avec du bon shit sa mère.
Et sur ce terrain là, ce deuxième album est meilleur que le premier selon moi, même si ce dernier point est totalement subjectif.
Enfin bref, à ce prix là, moi, ça ne me dérange pas d'entendre les mêmes refrains pendant 10 ans. Et plus même. C'est pas forcément très recherché, mais après tout, on s'en fout, pas besoin d'écouter des chefs d'oeuvre pour planer : on est bien quand même là, non ?