Soyons réalistes : en 1975, l'année de "Born to Run" et de l'explosion Springsteen, de "Blood On the Tracks" marquant le retour à l'excellence de Dylan, de "Tonight's The Night", l'un des Neil Young les plus terrassants, de "Toys In the Attic" qui voyait Aerosmith tout déchirer sur son passage, de "On Your Feet and On Your Knees" qui permettait au BÖC de réinventer un futur apocalyptique à la musique, il n'y avait que les ringards et les gens qui ne s'intéressaient pas vraiment à la musique pour écouter "Wish You Were Here", nouvelle galette fadasse du Floyd qui semblait conçue pour les gondoles d'hypermarchés. Il n'y eut guère à l'époque que la pochette maligne d'Hypgnosis pour attirer mon attention pendant plus de 30 secondes, ma grande histoire d'amour avec le Floyd étant désormais terminée depuis la terrible déception du virage grand public de "Dark Side of the Moon". Réécouter - voir écouter "pour de vrai" - "Wish You Were Here" aujourd'hui s'avère donc une excellente surprise : au delà des bidouillages aux synthés de Wright qui sonnent terriblement datés, et des vocaux "floydiens" comme toujours pitoyables (je me demande d'ailleurs pourquoi il y a une telle omerta sur le sujet : TOUS les morceaux de TOUS les albums du Floyd après leur brillantissime et barrettien "Piper..." sont terriblement MAL chantés), il y a une véritable magie qui naît de l'écoute de cet album, qu'on peut en effet considérer, aujourd'hui que l'hystérie autour du groupe s'est calmée, comme l'un de ses meilleurs. Fascinante, caressante, envoûtante même parfois, la musique du Floyd est ici (malheureusement ?) beaucoup moins psychédélique qu'aux débuts remuants du groupe, mais a gardé une qualité "épique" qui le distingue du tout venant du Prog Rock, tout en sonnant nettement moins "techno-freak" que le froid et lisse "Dark Side..." (un album qui, pour moi, ne passe toujours pas aujourd'hui). On dit souvent que c'est l'hommage sincère à Syd qui a motivé "Wish You Were", et c'est sans doute cette émotion réelle - assez rare chez le Floyd - qui permet à la musique de transcender ses défauts habituels (une indéniable complaisance qui allonge les morceaux au delà du raisonnable, des paroles lourdingues de Waters, une inspiration quand même irrégulière, en particulier sur la fin de l'album, plus ordinaire). C'est également à la guitare enchantée de Gilmour qu'il faut rendre ici hommage, car elle est exceptionnelle, conférant véritablement un supplément d'âme à cette musique conçue pour les masses. [Critique écrite en 2014]