Yankee Hotel Foxtrot
7.4
Yankee Hotel Foxtrot

Album de Wilco (2002)

Récit d'un voyage passionnant / le contexte d'écoute d'une oeuvre

Par une chaude journée d'hiver, et surtout pour ramener une frangine dans un petit patelin paumé qui s'appelle Rennes, j'ai embarqué avec le patriarche, la patriarche version féminine, la compagne et la sus-dite frangine dans un voyage exaltant entre la bourgade de Caen et le petit patelin paumé. Malheureusement, n'ayant pas le contrôle de la bande son, le patriarche l'ayant pris en otage pour mettre une énième émission a la con sur France Inter (cette fois-ci sur l'infidélité, je vous épargne les détails, sachez que l'amour c'est comme les pizzas), j'ai eu une révélation absurde de me dire que j'avais embarqué mon casque, et n'était pas obligé de subir ce fiasco intellectuel. Ni une ni deux, j'écoutais le premier album qui me tombait sur la main, Yankee Foxtrot Hôtel. Ça a eu tout de suite le mérite de rendre le voyage un peu plus excitant.


J'avais déjà écouté le premier titre, I am Trying to break your Heart, étrange mélange entre une pop/folk des plus sensibles mais aussi des arrangements a la fois bruitistes, un peu électroniques, entraînant sans pour autant être chiant, c'était un début qui avait tout pour plaire. Une ambiance de grand espace commençait à se dégager au fur et a mesure que des paysages extrêmement stimulants venaient me sortir de la torpeur (comprenez par là des champs venant d'être labourés, maronnasses, et un parc d'attraction local).


Kamera et Radio Cure suivent, plus pop pour le premier, sympathique et un bon moment de respiration avant Radio Cure qui en remet une couche avec de légers arrangements électronique, un marasme languissant mais toujours cette sensibilité désabusée qui me plaît au plus haut point. L'album use constamment de cette antinomie musicale, un morceau un peu plus entraînant, avec des chœurs, des percussions plus rapides, suivi d'un morceau beaucoup plus sombre, plongé dans les mélancolies profonde du chanteur, contrastée par une musique ressemblant a un Ok Computer de la folk, mélange d'électronique, d'inspiration country et folk américaine, et usage de sons qu'on a pas l'habitude d'entendre dans ces styles respectifs : un jeu de delay sur le piano, une voix samplée qui dit le nom de l'album dans Poor Places avant de finir sur un cri d'agonie de deux guitares, un mélange de violon avec un synthétiseur par dessus, l'album mélange les genres et les styles avec grâce, fourmillant de détails toujours plus intéressant à explorer et qui touchent. C'est vide les autoroutes de Bretagne quand même, on appercoit le mont saint Michel de loin, je retire un cours instant mon casque, une coupure non appréciée.


Vient Réservation, le dernier titre, hautement mélancolique, mais avec un mélange assez étrange, la voix du chanteur nageant a la fois dans un piano de bar/saloon au son "bois de rose" suivit de collages sonores étranges, d'une beauté pure et classieuse sans pour autant êtres bruitistes et hors de propos. Il en réside en cet instant la force de l'album, ce mélange subtil entre le pas assez et le trop plein, toujours dans la mesure sans être décevant, un juste milieu touché par une certaine grâce sensible qui font la marque des grands albums, ce juste milieu entre expérimentation sonores modernes et "clacissime" musical.


Aurais-je autant apprécier l'album si je n'étais pas sur un long trajet recroquevillé a l'arrière d'une voiture, contemplant des paysages mornes et sans âme que j'ai vu un million de fois dans ma vie ? La nature complètement morte et desséchée par l'hiver autour de moi ne m'aurait-il pas permis d'apprécier cet album a sa juste valeur ? Car là j'avais le temps, le temps de me poser, d'écouter, de ressentir chaque son a sa juste valeur, prendre le temps de ne pas stresser d'arriver a l'heure a cause des trains, je suis attendu nul part pour une fois. Le contexte d'écoute joue-t-il autant un rôle dans l'appréciation d'une oeuvre ? L'aurais-je autant apprécier si je l'avais uniquement écouté dans le train, sur mon lit, en train de faire la vaisselle ou en lisant a côté ? Je serai passé à côté, assurément. Il faut croire que ce voyage n'était pas si inintéressant après tout.


Créée

le 28 févr. 2023

Modifiée

le 28 févr. 2023

Critique lue 20 fois

Zoan

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