Young Americans
7.1
Young Americans

Album de David Bowie (1975)

Un objet parfait de sensualité détachée et de cross-over moderniste

Bowie tâtait à la Soul depuis quelque temps, s'efforçant, dérisoire et pénible, de noircir sa blanche électricité. Et puis "Young Americans" arriva, objet parfait de sensualité détachée et de cross-over moderniste : cinq ans avant tout le monde, Bowie posait le premier jalon de ce que les 80's allaient être, pour le meilleur et souvent le pire : une époque chic et choc de brassages de genres, cristallisée autour des fantasmes de beauté plastique. Mais "Young Americans" a en lui l'antidote de son intelligence : comme une nostalgie névrotique de la Soul éternelle.


"Young Americans" est un album dont l'importance qu'il revêt pour moi dépasse clairement son importance objective dans la discographie de David Bowie. Car c'est un disque que j'ai usé durant des mois à sa sortie - j'avais dégoté un superbe vinyle en pressage américain, avec une qualité sonore extraordinaire, que je ne retrouve pas sur le version CD que j'ai aujourd'hui - et qui m'a fait découvrir à 17 ans tout un pan de la musique américaine, la soul, le philly sound, que je ne connaissais alors pas encore. En deux mots, c'est un album qui m'a rendu (encore plus) amoureux des femmes alors que paradoxalement je passais des heures à regarder les sublimes photos de Bowie de l'époque, et qui m'a en même temps rendu accessible une musique noire américaine qui m'était encore inconnue.


De ce fait, je ne pourrai jamais considérer "Young Americans" comme un disque mineur dans l'incroyable discographie de Bowie, même si je suis parfaitement disposé à accepter les deux critiques habituellement faites à son égard :


1) c'est un album "parenthèse" après la période glam-rock et avant la géniale période "avant-gardiste" qui va suivre, un album qui voit Bowie copier avec passion, mais sans chercher à le transcender, un genre de musique qu'il aime et dans lequel il cherche une nouvelle inspiration


2) c'est un album qui ne contient pas que de grands titres (même si "Young Americans", la chanson, est quelque chose d'immense, à mon avis !) : les chansons sont un peu inutilement délayées, étendues, et en perdent leur impact initial ; la version de "Across the Universe" est franchement pénible, etc.


Oui, c'est vrai, mais...


1) ... qu'est-ce que Bowie chante bien ici, trouvant cette "nouvelle voix" de crooner post-moderne qui va certainement contribuer à sa future gloire !


2) ... qu'est-ce que les musiciens qui jouent ici - bénéficiant d'ailleurs de la production encore une fois impeccable de Tony Visconti - sont brillants ! Carlos Alomar, qui va devenir un homme-clé de la métamorphose bowienne, apparaît, et David Sanborn fait un travail merveilleux au saxophone.


Et puis, et même si c'est une chanson que peu de gens ont remarquée, "Can You Hear Me?" est un triomphe absolu de romantisme et de sensualité.


[Critique écrite en 2021, avec comme introduction un petit texte écrit en 1990]

Eric BBYoda

Écrit par

Critique lue 937 fois

12

D'autres avis sur Young Americans

Young Americans
Docteur_Jivago
7

The Philadelphia story

Si je n'ai jamais été un grand fan de David Bowie, j'ai tout de même de l'estime pour certains albums, notamment Ziggy Stardust, Diamond Dogs, Pin Ups et Young Americans. L'anglais a toujours su se...

le 10 sept. 2016

24 j'aime

2

Young Americans
Dagrey_Le-feu-follet
8

"Somebody lied, I say it's hip to be alive...."

Young Americans est le neuvième album de David Bowie, le premier enregistré aux Etats-Unis. Tournant définitivement le dos au Glam rock, il achève la métamorphose entamée dans Diamond dogs qui...

le 1 août 2022

19 j'aime

4

Young Americans
EricDebarnot
8

Un objet parfait de sensualité détachée et de cross-over moderniste

Bowie tâtait à la Soul depuis quelque temps, s'efforçant, dérisoire et pénible, de noircir sa blanche électricité. Et puis "Young Americans" arriva, objet parfait de sensualité détachée et de...

le 6 juin 2014

12 j'aime

Du même critique

Les Misérables
EricDebarnot
7

Lâcheté et mensonges

Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...

le 29 nov. 2019

205 j'aime

152

1917
EricDebarnot
5

Le travelling de Kapo (slight return), et autres considérations...

Il y a longtemps que les questions morales liées à la pratique de l'Art Cinématographique, chères à Bazin ou à Rivette, ont été passées par pertes et profits par l'industrie du divertissement qui...

le 15 janv. 2020

191 j'aime

115

Je veux juste en finir
EricDebarnot
9

Scènes de la Vie Familiale

Cette chronique est basée sur ma propre interprétation du film de Charlie Kaufman, il est recommandé de ne pas la lire avant d'avoir vu le film, pour laisser à votre imagination et votre logique la...

le 15 sept. 2020

190 j'aime

25