On ne parle plus guère de The Wipers, fiers représentants de la "deuxième vague punk" US. Ils n'ont pas l'aura posthume de The Minutemen, Hüsker Dü ou même Mission of Burma. Pourtant, ils ont toujours plus ou moins été là et nombreux sont ceux qui ont reconnu leur importance: Thurston Moore, les Melvins ont fait des reprises de certains de leurs titres (Pushing the Extreme et Youth of America respectivement) et pas moins que Kurt Cobain plaçait Youth of America parmi ses 50 albums préférés.
On s'en voudrait presque d'appeler YOA un album concept... néanmoins il faut reconnaitre que beaucoup de son attrait vient de sa cohésion, tant au niveau stylistique que thématique. Si Is this Real?, premier album du groupe, se démarquait déjà par une part belle faite à la complicité de la voix et de la guitare du compositeur/frontman Greg Sage, ici c'est vraiment la six cordes du maestro qui est au premier plan. Sur les 6 morceaux, trois sont presqu'instrumentaux et lorsque Sage chante, c'est soit en beuglant soit en mâchonnant des façons d'imprécations menaçantes. Comme une version apocalyptique de Jonathan Richman, Sage emporte les six pistes à la rage de riffs sanglants. L'énergie qui exsude de YOA est presqu'étouffante: Taking too Long débute sur les chapeaux de roues et ce n'est qu'au fade out du morceau-titre qu'on a le droit d'un peu respirer. Car oui l'ambiance de YOA n'est pas franchement joyeuse. Les paroles sont dédiées à l'angoisse adolescente, la peur de l'aliénation, la violence et la frustration. Cette noirceur liée à l'urgence de l'exécution donne à YOA un son unique, à la fois exaltant et dangereux, oppressant et jouissif. Mais comme je l'ai déjà évoqué, le lien de ce cocktail étrange est la guitare de Sage, qui chante ici comme jamais. Les riffs sont percutants, incisifs et brutaux mais toujours délicieusement mélodieux, tissant des harmonies parfois assez élaborées. Il ne cède jamais à la tentation de la virtuosité pour le plaisir de la virtuosité: tout est mis au service de la mélodie, un peu comme une sorte de Tom Verlaine croisé avec un teenager des années 80 gavé de punk.
Ne vous laissez pas décourager par l'aridité parfois intimidante de cet essai, c'est une véritable réussite et un petit bijou à (re)découvrir.