Zuma
7.8
Zuma

Album de Neil Young et Crazy Horse (1975)

"Sometimes you just have to pardon your heart"

Rétrospectivement, ce disque est certainement l'un des plus importants de Neil Young & Crazy Horse.
Déjà parce qu'il intronise Frank "Poncho" Sampedro comme remplaçant officiel de Danny Whitten qui laissa derrière lui un Neil Young brisé et une chanson d'amour magnifique ("I Don't Want To Talk About It").
Ensuite, parce qu'il permit à Neil Young de raviver sa carrière dans les années 90 avec des offrandes bruitistes telles "Ragged Glory", "Mirror Ball", Broken Arrow" et surtout le cataclysmique live "Weld".

Poncho, c'est une présence sereine, roborative pour le canadien qui se remet mal de la mort de son ami et du régime téquila/marijuana qui devait l'aider à passer le cap de la chaotique tournée des bars de la West Coast à l'automne 1973 en compagnie de ce qu'il appellera les Santa Monica Flyers (réunissant Billy Talbot, Ralph Molina, Ben Keith et Nils Lofgren). Un train de vie qui lui couta d'ailleurs sa relation avec Carrie Snodgress. Espérant trouver un peu de réconfort auprès de vieux camarades, Neil Young s'embarque en 1974 dans une immense tournée des stades avec Crosby, Stills & Nash, avec comme point culminant un concert mythique au Wembley Stadium. Les sommes perçues sont colossales et encouragent le collectif à enregistrer un nouvel album à Hawaï. Désillusions: les querelles intestines reprennent comme à l'époque de "Déjà Vu", les visites sporadiques de Carrie n'aident pas. L'affaire prend l'eau. Après quelques jours de vacances en Europe, Neil rentre au pays et rompt définitivement avec l'actrice.

Un premier exorcisme a lieu dans les studios de Nashville où Neil enregistre ce qui devait être "Homegrown" avec Ben Keith. A la réécoute, Neil prend peur: l'album est décidément trop personnel, la mise à nue de "Separate Ways" ou "Give Me Strength" trop brutale. Il sort "Tonight's The Night" à la place, pas moins cathartique mais convoquant des fantômes déjà confrontés. Une autre histoire en somme...

L'atmosphère des sessions de "Zuma" est tout autre. Neil et sa bande s'installent à Malibu où une foule de rockers en goguettes batifole jusqu'aux heures les plus tardives. Parmi eux, The Band et Dylan qui répètent pour le SNACK Benefit. Les deux géants de la folk se sont croiser à plusieurs reprises, mais jamais rencontre n'aura eu plus de sens que celle du printemps 1975.
Ecoutez "Zuma" et "Blood On The Tracks" à la suite. Ne décelez vous pas comme un dialogue entre les deux artistes ? "Stupid Girl" ne répond-t-il pas étrangement à "Idiot Wind" ? Fatigué de souffrir, de se répandre en lamentations, Neil expulse tout le mépris que sa relation passée lui inspire et accouche de chefs-d’œuvre comme "Don't Cry No Tears", "Barstool Blues" ou l'inénarrable "Danger Bird" qui mit Lou Reed à genoux. Seuls quelques moments de sérénité émergent de la tourmente ("Pardon My Heart", "Through My Sails").

Dylan participa sporadiquement à quelques sessions. Du groupe, le troubadour dira: "Ils ont un bon rythme, mais ils ne savent pas jouer". Ce qui n’empêchera pas le quatuor de développer un son unique, à la fois tellurique et aérien, Neil partant dans des envolées de guitare lyrique, retenu au sol par la rythmique régulière de Poncho.
Sur scène, les musiciens jouent en formation ultra serrée, à la limite de la collision. La première partie de la tournée qui suivit fut intitulée The Rolling Zuma Review, petit clin d’œil à Dylan. Puis, ce fut le passage triomphal par le Japon, avant d'investir les scènes européennes.

Le 23 mars 1976, le groupe est au Pavillon de Paris, porte de Pantin. Mon paternel est là pour voir Neil Young se produire pour la première fois dans l'hexagone. Quelques souvenirs subsistent, les photos et les bandes pirates glanées aux hasards du Web complèteront par la suite le tableau. Presque 40 ans plus tard, rien n'a changé. Neil et Poncho sont toujours à la limite du choc frontal, Billy assure les arrières en compagnie d'un Ralph Molina toujours aussi heureux d'être aux fûts.

Depuis "Zuma", l'affaire s'est à peine complexifiée, au mieux les solos se sont-ils étirés. Cette binarité assumée aura un impact non négligeable sur les kids des 90's, relayée en proue par Kurt Cobain et Eddy Vedder, faisant de Neil Young et sa bande les parrains officiels du mouvement grunge.

(Cette critique s'appuie sur des extraits de l'excellente biographie "Shakey" de Jimmy McDonough)
Ludovic_Lux
10
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le 3 mai 2014

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Ludovic Lux

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