Angela & Serah totalement adaptées à l'environnement 1602

Ce tome contient une histoire complète qui se déroule concomitamment à Secret Wars version 2015. Il comprend les épisodes 1 à 4 de la minisérie, initialement parus en 2015, coécrits par Kieron Gillen et Marguerite Bennett, dessinés, encrés et mis en couleurs par Stéphanie Hans pour la moitié des épisodes 1 à 4. L'autre moitié du premier épisode est dessinée, encrée et mise en couleurs par Marguerite Sauvage, celle du deuxième épisode par Irene Koh & Jordie Bellaire, celle du troisième par Frazer Irving, et celle du quatrième par Kody Chamberlain & Lee Loughridge. Les couvertures ont été réalisées par Stéphanie Hans. Cette histoire met en scène Angela et Serah, dans une relation semblable à celle de Priceless (épisodes 1 à 6 de la série Angela de 2015). Le présent tome contient également l'épisode 1 de la série 1602, initialement paru en 2003, écrit par Neil Gaiman, dessiné et encré par Andy Kubert, avec une mise en couleurs de Richard Isanove.


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- 1602 Witch hunter Angela - Au château des Windsor, Angela force le passage et s'introduit dans les appartements personnels du roi James. Sous les yeux d'un de ses serviteurs et de Serah, Angela plonge sa lance dans le ventre du roi qui se révèle être un imposteur, un Faustien. Prenant congé, les 2 femmes se dirigent vers la taverne la plus porche pour se désaltérer. Elles papotent avec Kit Marlowe, puis se font interpeller par Benjamin Urich.


À l'invitation du capitaine James Barnes, Serah relate une version édulcorée de son éducation et de sa rencontre avec Angela. Au cours de la conversation, cette dernière a détecté la présence d'un autre Faustien et l'occis séance tenante. Cette exécution sommaire a pour conséquence de faire apparaître la responsable de cette épidémie de Faustiens, qui annonce que Serah morte avant l'exécution du troisième Faustien. Angela et Serah repartent quand même sur la route pour traquer d'autres Faustiens.


Ce n'est pas la première fois que Marvel essaye de capitaliser sur la série de Marvel 1602 de Neil Gaiman, Andy Kubert et Richard Isanove. Mais les caractéristiques de l'environnement de 1602 étaient assez décalées et se prêtaient mal à une extension de forme mensuelle. Le détail de qui a fait quoi montre que Marguerite Bennett s'est occupée toute seule de l'histoire principale qui place Angela et Serah en 1602 en Angleterre (Kieron Gillen ayant participé aux histoires dans l'histoire). Par rapport aux 6 épisodes de de la série précédente, le principe du prix à payer (une forme de morale basée sur l'équité du donnant-donnant) n'est pas repris, Angela devenant une chasseuse de Faustiens.


Pour l'intrigue principale, la scénariste raconte une histoire rapide et consistante, avec quelques mises à mort de Faustiens (des personnages Marvel transposés à cette époque), et la montée vers la confrontation contre la responsable des Faustiens, avec la mort annoncée de Serah. Elle conduit son récit de manière à déjouer des clichés, tout en intégrant des personnages connus, complètement transformés par l'époque. Ce dispositif est maîtrisé à tel point que le lecteur familier de ces personnages apprécie leur réinterprétation en profondeur, et que le novice peut les apprécier comme de nouveaux personnages, sans rien perdre de l'intrigue.


Cette partie de l'histoire (c’est-à-dire plus de la moitié des épisodes) est illustrée par Stéphanie Hans, et c'est un grand plaisir visuel et esthétique de bout en bout. La couverture donne une excellente idée de la qualité des pages intérieures, avec une utilisation de l'infographie intelligente et maîtrisée. L'artiste l'utilise aussi bien pour insérer des détails minuscules, et des textures, que pour reproduire l'impression d'une peinture avec un vrai pinceau. Le résultat est vivant, facile à lire, avec des détails inattendus de manière régulière. Mais ce qui frappe le plus à la découverte des pages réside dans les éclairages.


La page d'introduction marie des verts très foncés, avec un violet tirant sur le rose, pour une parfaite atmosphère de forêt sombre, avec des touches d'énergie magiques, évoquant des pétales. La séquence dans le bar dispose d'un éclairage un peu sombre, comme on peut l'attendre dans une pièce éclairée à la bougie, avec un travail sophistiqué sur le niveau de détail, entre des gros coups de pinceaux pour rendre compte de motifs sur une étoffe, à des contours minutieux pour évoquer un travail de couture. L'apparition de la responsable des Faustiens dans un dessin pleine page, l'impose majestueusement, avec une apparence repensée par rapport à son costume habituel dans l'univers contemporain 616, une apparence qui transmet des informations sur son origine et son mode de vie.


Tout au long des 3 épisodes suivants, le lecteur prend grand plaisir à découvrir ces ambiances lumineuses (la forêt avec la lumière du jour, une pièce renfermée, un bûcher funéraire, une grande salle aux proportions titanesques), les versions repensées de personnages Marvel (Arthur Dübhghlas et les autres), ainsi que les mises en scène très vivantes. Stéphanie Hans donne corps au scénario, magnifiant l'intrigue avec des personnages hauts en couleurs, des endroits enchanteurs, des manifestations magiques originales et parfaitement intégrées à chaque image.


Marguerite Bennett et Stéphanie Hans continuent de prouver qu'Angela peut avoir sa place au sein de l'univers Marvel, et que ce personnage peut s'adapter à un environnement aussi particulier que celui de 1602. La scénariste a su imaginer une intrigue qui y ait sa place, avec un fil conducteur qui repose sur les relations entre les personnages. L'artiste donne naissance à travers ses planches, à un monde à la frontière entre la re-création de personnages Marvel, et des manifestations magiques, enchanteur et substantiel.


Cette histoire principale est donc parsemée de 4 intermèdes coécrits par Bennett et Kieron Gillen, avec 4 artistes différents. La première scène est dessinée par Marguerite Sauvage, avec un encrage plus traditionnel et un esthétisme moins chatoyant. Il s'agit d'établir la fonction d'Angela et le fait qu'elle voyage avec Serah. Les dessins établissent bien l'époque, par les costumes et les décors. Il s'agit essentiellement d'une scène d'exposition, bien menée avec une mise à mort pour capturer l'attention du lecteur. La deuxième séquence (épisode 2) pousse la logique esthétique encore un peu plus loin, avec des traits plus fin, des visages rendus mignons, avec des expressions de plaisir exagérées à la manière d'un manga. La mise en couleurs de Jordie Bellaire habille les dessins d'Irène Koh avec des couleurs pastels dans une esthétique orientée fille. Serah raconte sa version de sa rencontre avec Angela sur un ton ironique, avec un décalage entre ce qu'elle dit et ce que montrent les images. En soi cette séquence est amusante, parc contre elle semble superflue par rapport à l'intrigue principale.


Pour la troisième scène, Gillen & Bennet ne font plus semblant de coller à l'intrigue et proposent une représentation de Roméo et Juliette de William Shakespeare, mettant en scène un couple de personnages de l'univers Marvel. Débarrassé de toute prétention de lien avec l'histoire, le lecteur apprécie cette séquence pour ce qu'elle est : une utilisation pertinente et maline de l'environnement 1602, avec une réinterprétation bien ficelée de la relation entre ces personnages secondaires. Frazer Irving utilise lui aussi l'infographie, avec une maîtrise similaire à celle de Stéphanie Hans, et une esthétique plus noire, tout en conservant une forme de comédie dans les expressions des visages montrant des sentiments contrariés. Cette séquence est donc irrésistible, à condition d'être accepté pour une anecdote étoffant l'environnement 1602. Pour la quatrième scène, Kody Chamberlian dessine de manière traditionnelle de manière plus figurative, avec des traits de contours encrés. Lee Loughridge effectue une mise en couleurs originale, mais fade par rapport à celle de Jordie Bellaire. Les auteurs apportent une conclusion au destin d'un personnage secondaire apparu au milieu de premier épisode, tout en donnant un rôle à William Shakespeare. C'est élégant, mais sans apporter autant que la séquence dans le premier épisode, et sans la personnalité de la séquence de Frazer Irving.


Après avoir refermé ce tome, le lecteur apprécie que les responsables éditoriaux n'aient pas lésiné sur les moyens pour que cette histoire puisse bénéficier d'artistes de choix, et qu'il ne s'agisse pas d'un simple bouche-trou. L'histoire principale mêle avec habileté une chasse aux Faustiens (en lieu et place de sorcières) avec quelques personnages Marvel réinventés avec panache pour l'occasion, quelques traits d'humour, et un soupçon de romantisme. Stéphanie Hans fait des merveilles, et le résultat mérite toutes ses étoiles. Les histoires complémentaires vont de l'exceptionnel (Frazer Irving) au dispensable (Kody Chamberlain).


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- Marvel 1602 épisode 1 - En mars 1602, Sir Nicholas Fury bénéficie d'un entretien privé avec la Reine Elizabeth, pendant lequel elle lui présente le docteur Strange. Il est question d'une relique qui est en transit en provenance de Jérusalem. Après l'entretien, Nicholas Fury charge Matthew Murcdoch (un ménestrel ambulant) d'arranger l'arrivée de la relique. En Espagne, un individu aux aile d'ange est détenu dans une par l'Inquisition, en attendant d'être exécuté.


En 2003, cette série marque les esprits : Joe Quesada a réussi à convaincre Neil Gaiman de revenir aux comics, et d'écrire une histoire pour Marvel. Pour donner tout son éclat à ce scénario, Andy Kubert utilise la même technique que pour Wolverine: Origin : des images réalisées au crayon dont les traits sont renforcés par l'infographie, puis les planches sont directement confiés au metteur en couleurs. Le résultat conserve un aspect spontané pour les traits, et très sophistiqué du fait d'une mise en couleurs complexe, avec ambiances lumineuses, modelage de chaque surface par le biais de dégradés doux, et choix de teintes audacieux. L'apparence qui en résulte est très séduisante, minutieuse et plaisante à l'œil. À la lecture, il apparait qu'Andy Kubert s'est investi pour créer des costumes originaux (les robes de Nicholas Fury) et des reconstitutions d'époque pour les décors.


Mais sous la surface, il apparaît également que l'artiste a conservé tous les tics des comics de superhéros, à commencer par s'économiser sur les décors en ne les représentant qu'épisodiquement dans les arrière-plans, sur les costumes (en affublant une bonne partie des personnages de tuniques informes) et sur les mises en scène qui reprennent les postures stéréotypées des superhéros. Derrière une apparence sophistiquée et superbe, la narration visuelle manque de consistance et de personnalité.


Neil Gaiman a trouvé une manière habile de jouer dans l'univers partagé Marvel, sans avoir à s'embarrasser des contraintes de la continuité, en situant l'action en 1602. La suite du récit montre qu'il n'a pas joué la facilité puisqu'il y a bien un lien organique et concret avec l'univers 616 contemporain. Dès le départ, le lecteur joue à reconnaître qui est qui. Cela s'avère facile pour Nicholas Fury dont le nom et le bandeau ne laissent pas de place au doute. C'est un tout petit peu plus difficile pour Peter Parquagh dont le nom est déformé. Dans un premier temps ce n'est pas possible pour cette jeune fille en provenance des colonies américaines et son protecteur, un grand indien à la peau blanche. Le lecteur identifie également immédiatement le jeune homme aux ailes d'ange, et il n'a pas de doute quant à l'identité de ceux qui le sauveront forcément de son exécution, au dernier moment bien sûr.


Finalement, le jeu d'identification s'avère rapidement stérile, si ce n'est de constater la capacité d'imagination du scénariste à réinventer la position de chacun d'entre eux. Du coup le lecteur reporte son intérêt sur l'intrigue. Par la force des choses, Neil Gaiman introduit les factions en lice et leur fait exposer la situation par bribes. L'auteur donne l'impression d'écrire pour un public plutôt jeune, sans réussir à donner de la profondeur aux actions des uns et des autres, sans réussir à faire exister les personnages au-delà de leurs caractéristiques basiques de surface (et encore, car le jeune Parquagh reste bien terne).


Ce premier épisode donne un aperçu assez juste de la nature de ce récit de 8 épisodes : des dessins très jolis, mais peu consistants, un scénario malin qui réinvente les personnages Marvel, sans réussir à les faire exister.

Presence
8
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le 23 avr. 2020

Critique lue 68 fois

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