« Helmut, ta saucisse flambe ! »

Sixième époque de la « Putain de guerre » selon Jacques Tardi : 1919, le bilan. Comment cela 1919 ? Il y a encore des choses à dire ? Oui ! Cette fois Verney abandonne les flottements narratifs de 1917 et 1918, pour brosser un large portrait des individus dans l’Europe convalescente. Une narration complètement fragmentée, racontée à la deuxième personne, et unique en son genre : la meilleure idée de Verney dans les six albums !

Un marin naufragé du Jutland, une enfant trimant dans les mines de l’Allemagne, un sénégalais rafistolé à Berlin, ou un vieux général qui s’en tamponne des mutilés : voilà un échantillon de tous ces destins individuels qui sont passés au crible ici, en une seule vignette à chaque fois, souvent comme une photographie de guerre. Ministère de la Propagande, canons en carton-pâte, arméniens massacrés par les Turcs et allemands Spartakistes debout sur leurs barricades : cet album 1919 nous rappelle que tout ne s’est pas arrêté le 11 novembre 1918. Une très belle leçon d’histoire.

Le dessin est plus varié que jamais, Tardi change de style et d’angle à chaque vignette : la parade des drapeaux multicolores dans Berlin vaincu, le désert brûlé par la chaleur, et l’avion sur le point de s’écraser, voilà autant de revirements graphiques impressionnants. On retrouve notre petit soldat du début, on revoit les mêmes plaines bucoliques d’avant-guerre. Cette fois le travail sur les couleurs est parfait, bien plus abouti que dans les tomes précédents : et tout s’achève sur le drapeau rouge hissé au-dessus des barricades.

Le meilleur des six tomes.