Ce tome regroupe 5 histoires indépendantes parues dans différentes revues, ayant pour point commun de mettre en scène Hellboy et le professeur Trevor Bruttenholm, au cours de l'année 1953. Tous les récits ont bénéficié de la mise en couleurs de Dave Stewart.
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- The Phantom Hand (2015, 17 pages, scénario de Mike Mignola, dessins et encrage de Ben Stenbeck) - En février 1953, Trevor Bruttenholm et Hellboy arrivent dans le manoir de Saint Albans, où ils sont accueillis par Harry H. Middleton (un détective de l'occulte). Ce dernier leur explique ce manoir est hanté par une main tranchée qui semble ne faire de mal à personne, mais dont la fréquence des apparitions va en augmentant. Elle aurait appartenu à un sinistre individu ayant assassiné plusieurs enfants, dont la main fut tranchée lors de sa capture.
Le lecteur familier des aventures d'Hellboy a l'impression de revenir dans le passé quand Mike Mignola lui mitonnait des histoires de longueur variable, sur la base de contes et légendes anglais ou plus exotiques. Ben Stenbeck s'applique pour coller au plus près des codes graphiques de Mignola, avec de larges aplats de noir, des traits de visages simplifiés, et une importance donnée aux textures, en particulier celle de la pierre. Il ne fait pas aussi fort et esthétique dans l'épure que le fait Mignola (on ne peut pas s'y tromper), mais il recrée une fragrance proche de celle du maître.
Le scénariste ne se cache pas de sa source d'inspiration, le détective de l'occulte citant le livre dans lequel est référencé cet étrange cas de manoir hanté, ainsi que le nom de son auteur. Hellboy fait déjà preuve d'un pragmatisme bien ancré, cognant sur la main spectrale dès qu'elle se présente, et poursuivant son enquête dans les bois avoisinants sans se soucier de son bien-être physique. En fin d'épisode, le lecteur regarde Bruttenholm expliquer à nouveau dans quelles conditions il a recueilli Hellboy et le fait qu'il veut à tout prix lui offrir la possibilité d'échapper à sa destinée, c’est-à-dire éviter de devenir le roi des enfers.
Cette histoire se lit toute seule, avec un grand plaisir de retrouver un récit plus simple d'Hellboy, une bonne vieille histoire de fantôme bizarre sur lequel il cogne jusqu'à ce que la situation se résolve.
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- Rawhead & Bloody Bones (2015, 6 pages, scénario de Mike Mignola, dessins et encrage de Ben Stenbeck) - En mars 1953, dans le Yorkshire, Trevor Bruttenholm et Hellboy séjournent dans une auberge (répondant à l'invitation de leurs propriétaires) pour élucider des apparitions de fantômes de pilleurs de tombe.
À nouveau, Mike Mignola ne cache pas la source de son inspiration et se moque de lui-même en soulignant que cette histoire de Rawhead & Bloody Bones a été inventée de toute pièce. Ben Stenbeck réalise à nouveau une prestation impeccable pour reproduire l'esprit des dessins de Mignola (à son niveau). L'histoire se finit de manière abrupte et ironique. Une intervention très sympathique et pince-sans-rire d'Hellboy.
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- The witch tree (2015, 18 pages, scénario de Mike Mignola, dessins et encrage de Ben Stenbeck) - En avril 1953, dans le Shropshire, Trevor Bruttenholm & Hellboy se rendent dans la demeure du docteur Dixon, à sa demande. Ils le trouvent alité et gravement malade. Il leur explique qu'il a besoin de leur aide avec la hag de Boudicca. Sir Edward Grey avait mis un terme à sa malédiction, mais des événements récents lui ont permis de recouvrer une forme de liberté et Boadicée la reine des celtes semble bien déterminée à refaire parler d'elle, au travers d'une armée de squelettes animés
En fonction des cases, Ben Stenbeck dose plus ou moins fortement les aplats de noir et de fait les dessins hésitent entre une approche plus descriptive, ou une apparence plus abstraite. La narration est claire, mais cette fluctuation rend certaines manifestations surnaturelles plus artificielles, comme s'il s'agissait d'effets spéciaux de pacotille. De son côté, Mike Mignola invoque la reine des Celtes pour évoquer la tendance des créatures surnaturelles à vouloir imposer leur existence aux yeux des êtres humains, à retrouver leur place d'antan. Il s'agit d'un thème qui faisait partie intégrante de la série Hellboy. La résolution du récit repose sur une idée amenée avec des grosses ficelles et l'évocation de cette légende n'a pas la saveur originale des précédentes.
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- The Kelpie (2015, 5 pages, scénario de Mike Mignola, dessins et encrage de Ben Stenbeck) - En mai 1953, Trevor Bruttenholm et Hellboy piqueniquent en compagnie d'Harry H. Middleton au pied d'un cercle de monolithes dans le Wiltshire. Ils honorent la mémoire de Bill Connolly, un ami d'enfance des 2 hommes, décédé dans cet endroit.
Cette histoire très courte a pour objet d'évoquer une autre créature légendaire, le caractère arbitraire d'une rencontre entre un Kelpie et un humain, et le prix à payer en côtoyant le surnaturel. Ben Stenbeck est à nouveau en mode fluctuant entre concret et abstraction, et Mignola donne l'impression d'avoir profité de 5 pages à combler dans un numéro pour évoquer cette créature de légende, sans avoir grand-chose à dire dessus, une ironie douce-amère.
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- Wandering souls (2016, 12 pages, scénario de Mike Mignola & Chris Roberson, dessins et encrage de Michael Walsh) - En novembre 1953, dans le Wyoming, Hellboy et l'agent Susan Xiang aide le shérif du coin à enquêter sur des apparitions fantomatiques horrifiantes. Grâce à ses pouvoirs psychiques, l'agent Xiang se rend compte que ces apparitions s'expriment en cantonnais.
Cet histoire courte marque un tournant dans l'histoire de la franchise Hellboy, puisqu'elle correspond à l'arrivée de Chris Roberson en tant qu'aide scénariste de Mike Mignola, pour prendre en charge une partie du travail jusqu'alors assuré par John Arcudi. Il doit faire ses preuves avec des dialogues capables de porter le pragmatisme ironique d'Hellboy, et les éléments d'information nécessaires à l'intrigue. Mike Mignola lui a proposé une histoire de fantômes qui trouve ses racines dans l'Histoire des États-Unis, avec la main d'œuvre bon marché des asiatiques.
Michael Walsh s'adapte bien au cahier des charges graphique de la série. Il réalise des traits de contour un peu moins lâches qu'à son habitude, en insistant sur les aplats de noir. L'étrangeté des apparitions fantomatiques sont superbement mise en valeur par la mise en couleurs de Dave Stewart.
Cette histoire atteint ses objectifs : une histoire originale de fantômes, des images dans la lignée graphique de l'univers d'Hellboy, et la mise en selle d'un nouveau coscénariste..
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- Beyond the fences (2016, 3 épisodes, soit 68 pages, scénario de Mike Mignola & Chris Roberson, dessins de Paolo Rivera, encrage de Joe Rivera) - Alors que le docteur N.K. Sandhu est en train de tester les capacités psychiques de Susan Xian, cette dernière est appelée à partir en mission avec Hellboy et Jacob Stegner (un agent affecté au BPRD en 1947), pour aller enquêter sur le meurtre de 7 personnes à Rosemead en Californie. Les habitants évoquent l'apparition d'une créature apparentée au Diable de Jersey (Jersey Devil). Sur place, le docteur Boucq a réussi à s'approprier un morceau d'Enkéladite. Il y a également 2 nouvelles personnes qui séjournent en ville : Rahel Fox et Valentin Moravec. Le petit Julien a perdu son chien Buddy.
Après le baptême du feu de l'histoire précédente, Chris Roberson est confirmé en tant que nouveau coscénariste de l'univers d'Hellboy et de ses séries dérivées par cette histoire. Il a fort à faire car Mike Mignola a conçu une histoire plus consistante, avec un nouveau monstre, et le retour de plusieurs éléments récurrents de l'univers d'Hellboy, et en particulier en provenance des tomes relatifs aux années précédentes, à commencer par ce matériau fictif qu'est l'Enkéladite. La personnalité cynique de l'agent Stegner est rendue à la perfection par ses réparties sèches et moqueuses. Elles permettent de mieux apprécier les particularités des réparties d'Hellboy et donc par voie de conséquence d'affiner sa personnalité. De même, le caractère de Susan Xiang n'est pas générique et passe-partout. Roberson prouve qu'il s'investit dans l'écriture des dialogues pour qu'ils transmettent la personnalité de ceux qui les prononcent.
L'intrigue propose un nouveau monstre original, avec des individus impliqués dans son apparition. C'est l'occasion pour Mike Mignola d'introduire 2 nouveaux personnages dans l'univers déjà bien fourni d'Hellboy : Rahel Fox et Valentin Moravec. Le lecteur se doute qu'ils seront amenés à revenir pour les tomes consacrés aux années suivantes. Il s'agit donc d'un récit fortement enraciné dans la continuité de la série avec la création d'un monstre original dont l'origine n'est pas entièrement expliquée dans ce récit qui appelle donc une suite.
Cette histoire est également l'occasion pour Paolo Rivera (aidé par son père Joe) de s'essayer à Hellboy, mission pas si facile que ça car ce personnage est fortement marqué par la patte graphique inimitable de son créateur. Les 3 couvertures sont magnifiques, s'inscrivant dans une forme de pastiche respectueux de l'Amérique sublimée par Norman Rockwell. Les scènes de la vie courantes dégagent un irrésistible parfum de nostalgie années 1950, avec une forme de pureté des traits de contour dont Rivera s'est fait la spécialité. Il réussit à donner une allure menaçante et répugnante au monstre, alors même qu'il apparaît sous un soleil qui ne laisse rien dans l'ombre, aucune part de mystère. Dave Stewart ajoute à la répugnance de son apparence par une teinte rose vif de chair de nouveau-né, absolument écœurante. Rivera se raccorde aux particularités graphiques de la série, en particulier la présence d'aplats de noir consistants, dès qu'il s'agit d'une scène nocturne, ou dans un endroit plongé dans la pénombre.
Ce récit parle plus aux habitués de la série qui retrouve le ton enjoué et doucement ironique des aventures d'Hellboy, avec des dessins à la personnalité affirmée, mais raccords avec cet univers particulier.. Pour un lecteur moins investi dans la continuité du titre, il se lassera des remarques faisant référence à des faits dont il n'a pas connaissance.