Si l'année 1982 sentait un peu le réchauffé scénaristiquement et old school artistiquement, l'année 1983 sera tout l'inverse: pas de grande saga aux ambitions démesurées, mais des arcs plus courts qui permettent d'explorer les personnages et d'en faire apparaître de nouveaux (Madelyne Pryor et Malicia), le tout servi par le grand Paul Smith, qui fait un run de toute beauté sur la quasi intégralité de l'année, remplacé sur un épisode par Walter Simonson puis par son successeur John Romita Jr (excusez du peu) sur un épisode et demi en fin d'année.
Les trois premiers épisodes permettent de boucler la Saga des Broods commencée dans l'intégrale précédente, et qui commençait sérieusement à traîner en longueur mais l'arrivée de Paul Smith rend cette conclusion plus digeste. On pourra retenir que les X-Men sont passés à deux doigts de la mort, que Kitty est revenue avec Lockheed le petit dragon qui restera son compagnon emblématique, et que Xavier a vu son esprit transféré dans un corps cloné de lui-même afin de le sauver, mais qui ne lui permettra toujours pas de marcher malgré ses efforts. Un épisode durant lequel nos héros, de retour sur Terre, ferons la connaissance des Nouveaux Mutants, nouvelle équipe de jeunes formés par leur mentor qui croyait ses X-Men perdus à jamais. Symbole du succès de la franchise mutante qui voit naître alors sa première série dérivée.
L'épisode suivant nous montre Kitty qui tente de convaincre Xavier de rester chez les X-Men (et non pas de rejoindre les Nouveaux Mutants) tandis que Cyclope prend du bon temps et finira, lors d'un voyage avec sa famille, par rencontrer Madelyne, le sosie de Jean. Et cela est assez représentatif de l'année 83, car il y aura certes des combats, des arcs aboutis et une dramaturgie bien présente, mais ce qui fait le sel de cette série ce sont ses personnages, leur évolution, leurs interactions, leurs sentiments et leur destin, et tout cela peut se trouver dans un épisode comme celui-ci, qui peut sembler anodin, mais qui pourtant nous fait rentrer au cœur l'école pour jeunes surdoués du Professeur Xavier et nous charme par l'humanité de ses jeunes héros.
Puis les épisodes s'enchaînent avec fluidité, un liant dans la succession des évènements que Claremont avait un peu perdu durant l'année précédente. Les X-Men feront ainsi la connaissance des Morlocks, ces mutants parias vivant dans les sous-terrains de New-York, et dont Tornade deviendra la nouvelle reine en combattant leur cheffe, Calisto, dans le but de sauver Angel. Puis Malicia sera accueillie et admise par Xavier au sein des X-Men, au grand dam de l'équipe. Ils fileront ensuite tous au Japon pour assister au mariage de Logan avec Mariko mais cette dernière refusera finalement cette union. On comprendra que le Cerveau est derrière ce retournement et qu'il n'en a pas fini avec les X-Men.
En effet il utilisera la ressemblance de Madelyne avec Jean pour jouer le retour du Phénix Noir dans le but d'anéantir les X-Men et prendre ainsi sa revanche sur Jean Grey, elle qui lui avait fait perdre la raison avant sa disparition. Mais grâce a l'esprit stratégique de Cyclope, le plan du cerveau sera déjoué et il sera à nouveau vaincu, par Tornade cette fois, qui entre temps aura adopté un nouveau look punk, symbole d'une évolution considérable, passant de Déesse du vivant à Cheffe guerrière qui assume la part de violence inhérente à cette nouvelle vie. Cet arc du cerveau se conclura par le mariage de Scott avec Madelyne, contrastant avec l'échec de Logan, qui malgré la défaite de leur ennemi, ne parviendra pas à faire changer d'avis sa bien-aimée, empêtrée dans ses histoires de famille, entre honneur et corruption.
Pas de grosse saga donc, mais beaucoup de nouveautés mine de rien, et pas mal de personnages mis en valeur, notamment Cyclope, Tornade, Kitty et Wolverine. Les histoires s'enchaînent avec naturel et les péripéties autant que les déboires des héros sont d'intérêt égal et constant, si bien que l'on ne s'ennuie pas une minute. Et puis il faut s'arrêter un instant sur le talent de Paul Smith. Un artiste peu connu, mais qui déploie tous ses talents ici: économie de moyens pour un style assez épuré, contrastant avec son prédécesseur Cockrum, mettant en valeur les poses et les mouvements de ses personnages avec une élégance incroyable. Ses représentations ne sont pas les plus iconiques et ses scènes d'action les plus spectaculaires, il s'en dégage néanmoins un naturel qui donne vie aux X-Men, le tout avec une clarté dans la mise en page qui est d'une efficacité redoutable. Ainsi on ne pourra pas oublier la chevelure soyeuse de Kitty, la transparence des lunettes rouges de Scott, la beauté de Madelyne ou encore la classe tout en simplicité du costume de Malicia. Une année de grande qualité qui, de plus, semble mettre en place des éléments amenés à réapparaître plus tard, nourrissant la curiosité pour les lectures à venir.