Attention, je ne parle pas d’une fameuse firme cinématographique américaine (moi aussi j'évite les marques). Je parle juste du manga de Naoki Urasawa, chef d’œuvre de polar fantastique qui traverse les temporalités. Bon, tout le monde va me dire :

« – Hey ! Faut parler de Monster ! »

Là, d’une part je dis tu te calmes, et d’autre part, l’ampleur démente dans la narration de 20th Century Boys permet de mieux cerner le génie de l’auteur. Le talent d’Urasawa, c’est de partir d’une histoire d’apparence très terre à terre, et de la développer à un point qu’on n’aurait jamais imaginé. C’est un peu comme partir d’une maquette de deux chevaux, et de réussir à construire une Lamborghini Aventador à l’échelle 1/1 (Ah merde ! On avait dit pas de marque !).

Essayons de ne pas spoiler le plaisir de lecture de tout un chacun, mais parlons un peu de l’histoire quand même. En bref, et j’en dis déjà beaucoup, c’est l’histoire d’amis d’enfance qui se rendent comptent que quelqu’un utilise leur jeux d’enfants pour faire le mal. Au passage, « Ami » est le méchant dont on ne voit pas le visage le plus charismatique de tout les temps.

Les temporalités jouent donc un rôle essentiel. De 1969 jusqu’en 2017, les actions se mêlent, se recoupent et permettent de nombreux rebondissements. Petit point faible malgré tout, soyons objectif, l’auteur se permet d’utiliser l’excuse de la temporalité pour créer le suspens. Certes, c’est bien rendu la plupart du temps, mais la supercherie est un peu trop souvent utilisée et on s’agace parfois lorsqu’un personnage se demande où il était à une date cruciale pour le dénouement de l'intrigue.

A part, ça, rien à redire. Les personnages sont très bien caractérisés, le style graphique est propre à l’auteur et la narration est impeccable.

Naoki Urasawa adore insérer des références culturelles dans ses œuvres, et 20th Century Boys en est le point culminant. C’est à peine s’il ne prend pas le lecteur en aparte pour lui dire « Tu vois, moi je lisais ce manga, quand j’étais gosse. J’écoutais cette musique là. Je jouais à tels jeux. ». Trois types de références se démarquent. Tout d’abord, le rock. Urasawa est un fan inconditionnel de Bob Dylan, John Lennon, des T-Rex, dont il reprend le titre de la chanson pour en faire le titre du manga. Durant les 24 tomes, les références reviennent très souvent, et le dessinateur va même jusqu’à créer sa propre balade rock, Gutalala Sudalala. (Un conseil, lorsqu’elle est citée dans le manga, écoutez-la) Le personnage de Kenji Endô est un gros clin d’œil au musicien homonyme de rock/folk japonais des années 60 et 70.

Autres références qui reviennent sans arrêt, les mangas. Déjà, les enfants de ce titre ne cessent de lire des bandes dessinées, de jouer aux gentils contre les méchants. On se rend vite compte que ces jeux se retrouvent aussi quand les personnages vieillissent, notamment le jeu des gentils contre les méchants qui finalement devient le thème du manga. Certains personnages sont carrément des gros otaku de 40 ans, et on retrouve même plusieurs mangaka qui sont des clins d’œil à des inspirations pour Urasawa. « Ami », le grand méchant de l’histoire, porte plusieurs masques dont celui du Ninja Hattori-Kun et du National Kid, héros de mangas des années 60.

Enfin, les références culturelles un peu plus larges. Nous avons des passages important où il est question de Godzilla, de l’exposition universelle d’Osaka en 1970, de Catch, et sans doute encore plein d’autres dont je ne me rappelle plus en écrivant ces lignes.

Un trou de mémoire, ça peut arriver à tout le monde, non ?

L'importance de ce titre est telle qu'il fait l'objet d'une réédition en grand format depuis récemment. A la fois c’est cool, et en même temps c’est pas cool. Vous voulez que je développe ? Bon, ben puisque vous insistez.

La réédition en grands volumes consiste à regrouper plusieurs tomes en un seul, de manière à avoir deux tomes en un volume, par exemple. Deux mangas de Naoki Urasawa y sont déjà passés, Monster et Master Keaton. Ce principe à deux effets. D’une part, ça relance le manga. Les plus jeunes, ceux qui vivent reclus dans une grotte ou tout simplement ceux qui étaient passé à côté auparavant, vont pouvoir croiser 20th Century Boys sur les têtes de gondoles et autres promontoires de promotions. Vouloir faire connaitre une telle œuvre, primé au festival de BD d’Angoulême en 2004, c’est louable et ça relève presque du devoir de tous lecteurs. Cependant, il y a d’autres raisons à ce phénomène de réédition.

Les thunes ! L’oseille ! Les billets ! Le blé ! La monnaie ! Le flouze ! Le fric ! La fortune ! Le capital ! Les finances ! Le pognon ! La recette ! Le trésor ! Les espèces ! Les avoirs ! La richesse, le pouvoir et les femmes, mec !!

J’en fais trop ? Pardon.

Mais le problème est bien là. Lorsque les maisons d’éditions trouvent un titre qui marche, elles l’exploitent jusqu’à la moelle. En soit, les rééditions ne servent à rien du point de vue du lecteur. Imaginons. Un type achète les 24 tomes de 20th Century Boys. Quelques mois plus tard parait le premier volume de la réédition. Il va pas se dire « Oh non ! J’aurais pu acheter cette merveille si j’avais attendu un peu ! ». Pourquoi ? Parce qu’il aurait du attendre encore bien longtemps pour compléter cette collection rééditée et il n’aurait rien gagné de plus en terme de narration. Il n’y a aucune plus value sur ce « nouveau » produit, si ce n’est son prix, et encore.

Les éditions, en voyant que leurs produits ne sont plus achetés, tentent de créer de nouveaux besoins chez les lecteurs en créant un « nouveau » produit en partant sur du vieux. Elles regardent leurs anciens stocks, la popularité des titres, la longueur des séries, et prennent le titre le plus apte à se faire réédité. En vérifiant la popularité d’une œuvre, elles s’assurent de ne pas donner un coup dans l’eau, personne ne va acheter un manga qui n’a encore jamais marché. En vérifiant la longueur, elles s’assurent d’avoir un filon pour un certain temps, le temps de tout rééditer pendant la période de creux.

Non pas que je sois contre les maisons d’éditions, qui font un boulot formidable, mais en terme de surconsommation, ça se pose bien violemment. Tout ça pour vous dire que le domaine de l’édition, que ce soit pour la bande dessinée où pour la littérature, fait partie de la même société de consommation que tous les autres secteurs, que ce soit le cinéma, l’alimentation ou même l’hygiène.

Quoi qu’il en soit, tentons de voir les choses d’un point de vue positif, et invitons les lecteurs à lire ce formidable titre qu’est 20th Century Boys, un polar fantastique qui porte la trace de l’histoire, comme la plupart des œuvres de Naoki Urasawa. Et surtout, méfiez-vous de vos Amis.
Spider-Jojo
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le 20 déc. 2014

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Spider-Jojo

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