La BD qui dure presque un siècle
Urasawa n'est pas un inconnu dans le monde du manga. D'abord, il a signé en France la série Monster, un polar noir glaçant qui a connu un franc succès, critique et commercial, et basé sur des histoires d'enfants qui ont mal tourné.
20th century boys s'affiche comme une production plus aboutie, plus longue, plus tordue et tortueuse aussi. Une nouvelle oeuvre du "maître", un pas en avant.
Angoulême et son festival lui ont même attribué le prix de la meilleure série alors que la première moitié était tout juste disponible par chez nous.
Le maître donc conte ici une histoire farfelue, qui s'étale sur plusieurs époques (1969, 1971, 1987, 2000, 2014, 2015, 2018) entre lesquelles il jongle à longueur de chapitre.
Ici aussi, il est question d'enfants, de leur rêves, de leurs jeux d'enfants, et des conséquences que ces jeux peuvent avoir sur les adultes qu'ils seront devenus.
Le pitch, mignon, est prometteur, et les retournements de situations, les surprises et les changements de directions, bien amenés, seront légion. L'auteur évoque les états totalitaires, l'aveuglement volontaire, et tous les thèmes chers aux shonen : héros, courage, fierté, ainsi que leurs pendants : lâcheté, méchanceté, troubles psychologiques, etc. Les bons sentiments dominent les mauvais, même si certaines situations s'avèrent particulièrement malsaines.
Urasawa s'y connaît en mise en scène et en personnages. Pour preuve, ses héros disposent tous d'un charisme fou, et ne pas s'y attacher relève de la gageure.
Son intrigue, ficelée comme rarement, rebondit à chaque tome, emporte le lecteur là où il ne s'y attend pas, crée le suspense et provoque la tension à chaque instant.
La narration accuse pourtant quelques faiblesses et se retrouve prise à son propre piège. A trop vouloir surprendre, les mêmes ficelles de la révélation retardée sont utilisées et usées jusqu'à la corde sur les 21 tomes de la série. Si bien que plus rien n'a de sens, et que le fil et l'intérêt se perdent dans une aventure grandguignolesque au dessin somptueux, mais dont les tenants et aboutissants nous échappent en même temps qu'ils semblent avoir échappé à l'auteur, qui n'en peut plus de transformer les choses, jusqu'à ce que les enjeux soient noyés.
Les promesses que portaient les 13 premiers tomes se trouvent malheureusement dissolues dans les derniers, et les cliffs à répétition s'enchaînent alors sans qu'on n'y prenne vraiment plaisir.
Urasawa achève sa série par un coup magistral : un énième cliffangher vient clore les milliers de pages de la saga, qu'il faudra alors suivre dans une ultime conclusion de 2 tomes, et qui portera un autre nom : 21th century boys.