Deinonychus

Ce tome comprend les 3 miniseries d'Age of Reptiles, la première de 1993 (déjà rééditée dans Tribal Warfare), la deuxième de 1996 rééditée dans Age of Reptiles: The Hunt et la dernière de 2009 intitulée ""The journey" qui n'avait pas encore été rééditée.

Tribal warfare (4 épisodes) - La première scène commence avec un envol de ptéranodons qui survolent un immense paysage de forêt vierge, avec un rivage au loin. Puis ils assistent à la mise à mort d'un grand herbivore pourchassé et dépecé par une bande de deinonychus (des vélociraptors tout droit échappés de Jurassic Park). Avant qu'ils ne puissent se repaître du cadavre de leur proie, un tyrannosaure de taille raisonnable les chasse et s'arroge le bénéfice de la mise à mort. La suite du récit raconte les affrontements successifs entre ce clan de vélociraptors et ce tyrannosaure, au gré des courses-poursuites et des mises à mort de gibier. C'est l'occasion de voir passer plusieurs autres races de dinosaures telles que des euoplocéphalus et des hesperornis.

The hunt (5 épisodes) - L'histoire commence dans un lieu désertique où le règne animal s'exprime sous la forme de la chaîne alimentaire, avec à nouveau un représentant de la famille des tyrannosaures qui a le dessus. Cette fois, c'est une bande de deinonychus (d'une autre branche) qui tente de ravir sa proie au tyrannosaure. Il s'en suit une course poursuite sur plusieurs jours qui va amener chasseurs et pourchassés dans une vallée paradisiaque enchâssée dans un cirque montagneux, c'est-à-dire un endroit où tous les dinosaures résidents deviennent autant de proies faciles.

The journey (4 épisodes) - Une immense caravane de dinosaures composée de plus d'une dizaine d'espèces différentes se déplace à travers plaines et rivières pour trouver un nouveau site où s'installer. Cet énorme déplacement représente une source de nourriture inépuisable pour tous les prédateurs et charognards habitant les régions traversées. Certains dinosaures n'atteindront jamais la terre promise, mais d'autres disposent de moyens de défense efficace. Le lecteur suit les périples de cette transhumance hors norme.

En feuilletant ce gros recueil de 350 pages des bandes dessinées, 2 particularités sautent aux yeux du lecteur. La première est qu'il s'agit d'histoires sans paroles, sans aucun mot, ni bulle, ni case de texte (que des dessins). La deuxième réside dans l'identité des créateurs qui ont accepté d'écrire un petit mot pour dire du bien de ces histoires. Il y a Genndy Tartakovzky (créateur de la série Star Wars : the clone wars), Burne Hogarth (illustrateur légendaire de Tarzan), John Landis (réalisateur de Blues Brothers), Thomas Schumacher (producteur du Roi Lion), Ray Harryhausen (producteur de Jason et les argonautes, sans compter les louanges de Mark Schultz (Xenozoic Tales), Stephen Bissette (pour ceux qui se souviennent des quelques épisodes de Tyrant), Geoff Darrow, Mike Mignola, etc.

Effectivement, Ricardo Delgado est un véritable amoureux des dinosaures. Les différentes races qu'il met en scène constituent un témoignage édifiant du temps qu'il a passé à effectuer des recherches pour être le plus respectueux possible des connaissances scientifiques en la matière. À la base, le métier de Delgado consiste à réaliser des storyboards et il met tout son savoir faire en jeu pour mettre en images ce récit sans texte. Le résultat est d'une lisibilité exceptionnelle, sans aucune solution de continuité. Chaque scène se comprend aisément, chaque transition entre 2 scènes coule de source. Il y a un grand nombre d'affrontements et de mises à mort de gibier, sans jamais que le lecteur n'ait une impression de déjà lu ou de répétition. Il apporte également un grand soin à planter les décors : impression d'espace étendu, mouvement des nuages, diversité de l'écosystème, changement de climats, formations géologiques diverses, etc. Il a également un don pour rendre la vitalité des différentes races de dinosaures, leurs caractéristiques de déplacement en fonction de leur poids et de leur taille, etc. Enfin, ses vélociraptors sont aussi terrifiants et agressifs que ceux de Steven Spielberg. Il ne s'autorise que de rares moments de licence artistique pour attribuer une émotion humaine (amour maternel, volonté de revanche) aux dinosaures. Du début à la fin, ces animaux restent des animaux sans caractéristiques psychologiques humaines. Ces 350 pages se lisent d'une traite, très rapidement même du fait de l'absence de textes, avec un suspense soutenu et une impression d'étrangeté liée à l'absence d'êtres humains. C'est également la limite de ce récit qui incite à réfléchir sur les caractéristiques du règne animal (qu'est-ce qui motive les bêtes ?), mais qui ne constitue pas un miroir pour notre humanité. Ce choix de s'en tenir au règne animal fait vivre sous nos yeux ces créatures disparues, mais nous prive d'émotions plus complexes que la simple survie (se nourrir et se protéger des prédateurs). Pour des aventures de dinosaures sans paroles, mais avec plus d'émotions, je conseille Gon de Masashi Tanaka.