Chinese queer est une œuvre assez exceptionnelle à bien des égards.
Seven est le pseudo derrière lequel se cache l'auteur et dessinateur de Chinese queer.
Si l'utilisation de pseudo est quelque chose d'assez commun dans la bd franco-belge, ici la raison serait également de se rendre anonyme afin de ne pas attirer l’attention des autorités Hong-Kongaise, de plus en plus réticente à la libre expression des homos sur leur sexualité (d’après l’éditeur français).
Et c'est là que le projet peut sembler trompeur, non il ne sera pas question d'un brûlot politique contre le gouvernement qui dénoncerait la manière dont la communauté gay serait traité en Chine mais plutôt d'une simple chronique de la vie, d'un journal intime que nous dévoile son auteur.
Mais qu'on se le dise, le projet n'en reste pas moins titanesque et génial.
L’album nous présente le quotidien de Tian Fushi (un alter ego de l’auteur?), jeune homme désœuvré et désabusé, qui noie ses névroses dans des soirées très arrosées, mais pas que, la drogue et le sexe sont aussi présents. Le héros nous parle sans complexe de ses rapports intimes avec les hommes, l’homosexualité étant présentée ici sans aucun tabous. On nous montre même certaines scènes impliquant plus de deux hommes de manière très décomplexée, ce qui peut parfois sembler étonnant, dans la mesure la Chine n'est pas un pays particulièrement « gay friendly » dans l'imaginaire collectif.
Chinese queer est un chef-d'œuvre car c'est un bande-dessinée d'une grande richesse, d'abord visuel.
En effet, beaucoup de dessins sont basées sur des photos, ce qui donne une dimension quasi documentaire à l'œuvre, tout en ne sombrant pas dans le kitsch, dans une bête copie du réel. Les dessins arrivent à transcender les décors et à leur donner une dimension surréaliste, onirique, car baigné dans des couleurs marquées, flashy.
Si les décors urbains sont magnifiquement mis à l'honneur et foisonnant de détails, les personnages quand à eux sont difformes, non réalistes, cartoonesque ce qui crée un contraste particulier.
Ensuite il faut dire que l’auteur a été très influencé par le cinéma et ça se ressent. On peut penser au cinéma de Gregg Araki, dans ce portrait d’une jeunesse tourner vers la défonce et vers les orientations sexuelles diverses. Par ces couleurs et ces ambiances nocturnes, on pense aussi à Wong Kar-Wai, notamment Happy Together pour sa romance gay ou encore Les anges déchus pour sa représentation de l’urbanisme.
Non seulement l'objectif de cette BD n'est pas politique mais en plus de ça, le ton de l’ensemble se permet même d'être plutôt décalé, humoristique, mais toujours d’une grande poésie, d'une grande élégance. Dans cette démarche de se décaler du réel, l’auteur se permet quelques digressions réjouissantes. Par exemple quand les personnages sont soudainement transformés en petites figurines lego, ou encore quand le héros ne se souvient plus du visage de son ex toxique et qu’ainsi son visage est représenté par une tête de mort.
Pour résumer, Chinese queer est une bande-dessinée d'une grande inventivité, et d'une virtuosité assez unique et qui mériterait d'être plus connu !