Combats rapprochés à Gergovie
Centré sur le siège infructueux de Gergovie par César (« La Guerre des Gaules », Livre VII, chapitres XXXVI à LVI), le récit négocie difficilement l’insertion des personnages de fiction au sein du récit des évènements militaires assez scrupuleux et détaillé (voir l’exposé de César planche 10, les cartes planches 3, 14 et 15). La topographie complexe du site de Gergovie, la menace que font peser sur les Romains le contexte de révolte générale et la grande versatilité des Éduens (planches 18, 22), conduisent César à se retirer d’un siège par trop périlleux. Ambre (et Cloduar) sont de tous les combats, de toutes les escarmouches, et on a tendance à ressentir cette ubiquité comme invraisemblable. La première moitié de l’album décrit assez méticuleusement les évènements militaires, tandis que la deuxième moitié laisse nettement plus de champ libre au travail de l’imagination et aux problématiques privées des héros fictifs.
La présentation de Gergovie est assez dense, carte à l’appui (planche 3), ce qui n’empêche pas Rocca d’insérer trois planches dans lesquelles, enfin Ambre et Milon se retrouvent, et pas uniquement pour s’engueuler (planches 6 à 8). Ambre ne craint pas de s’envoyer en l’air avec une notabilité historique fort célèbre, soi-disant pour le manipuler (planches 34, 36-38, 46), au grand dam de Cloduar-le-fidèle (planches 32, 38). Tout dépend de ce qu’on entend par « manipuler »...
Voilà le troisième album consécutif au cours duquel Rocca tente de faire monter le suspense à propos de l’énigmatique « Critovax », que l’on a vu mort voilà un bon moment déjà, et l’acharnement ostensible du scénariste à ne jamais nous le montrer fait présager quelque coup de théâtre assez artificiel. Ça ne rate pas : on comprend enfin qui est Critovax dans la deuxième moitié de l’album, et, comme attendu, le mec en question est gratiné (planches 42-45). Enfin, on vous laisse la surprise, hein ? Au cas où vous n’auriez pas deviné depuis deux albums de qui il s’agit, surtout que le mot « ignominie » dans le titre de ce tome 14 fait écho au titre du Tome 5, dans lequel figure le tout aussi déplaisant terme d’ « infâme ». Aucun des autres titres ne porte de jugement de valeur moral, c’est vous dire si Rocca tenait à se servir du personnage d’un vilain très laid pour épicer son récit. De ce côté-là, ce n’est pas vraiment réussi : le monstre en question n’est pas plus abject qu’auparavant (il y a d’ailleurs des raisons objectives à cela), et, à la limite, ce n’était pas le peine de nous tenir en haleine avec autant d’insistance depuis trois albums pour déboucher sur une péripétie somme toute limitée.
Rocca sait agrémenter la monotonie des plans tactiques, offensives, contre-offensives et retraites par des anecdotes plus ou moins piquantes, dont l’histoire-la-vraie n’a pas retenu le souvenir : le déshabillage de César pour prendre son bain, par de mignons petits garçons (planche 12) – César (planche 35) semble bien dégoûté par les femmes – on se demande alors ce qui l’attire tant chez Ambre, ce n’est pas cohérent ! ; l’exposition de culs féminins au-dessus des remparts pour déstabiliser les Romains (coutume dont l’histoire a conservé des témoignages à des dates fort différentes) (planches 25 à 27). Et César ne nous avait pas dit que des femmes aux seins nus s’étaient mêlées à la sortie tentée par les assiégés Gaulois ((planche 29) !
Mitton dessine méthodiquement les moindres troncs pointus constituant les palissades des camps romains, ainsi que les fortins et les chemins de ronde (planche 9). Ses tortues romaines sont d’une grande lisibilité (planches 24 et 25).
Bon, la prochaine fois, ce devrait être Alésia, et Rocca doit tout régler dans le finale. Ambre aura parcouru la moitié de l’Empire Romain au total. Et rendu fous des tas de mecs.