Ce tome contient les épisodes 1 à 5 de la première série (initialement parus en 1987), ainsi que quelques histoires courtes publiées entre 1986 et 1989, 1 histoire courte de 1999, et une de 2000. Concrete est un personnage créé par Paul Chadwick en 1986 dont les différentes séries ont fait l'objet d'une réédition en 6 tomes, complétée par un septième contenant les 6 épisodes d'une histoire parue en 2004. Ce tome se présente dans un format un peu plus petit que le format comics, en noir & blanc. Toutes les histoires sont écrites, dessinées et encrées par Paul Chadwick.
Dans la première histoire, le lecteur découvre le personnage de Conrete (béton en anglais) qui accepte d'aider une équipe de secours à dégager des individus prisonniers dans l'effondrement d'une grotte. Juste avant, il embauche Larry Munro pour l'aider dans les tâches du quotidien. Concrete (Ron Lithgow) sert de sujet d'étude à Maureen Vonnegut (sans rapport avec l'écrivain), une biologiste.
Au cours du tome, Concrete se rend à une fête (en monnayant son apparition), il fait peur à des enfants sur un bateau gonflable. Il tente une traversée de l'océan à la nage. Il raconte à Larry Munro comment il a acquis une apparence d'individu fait de béton souple. Il va sauver un aviateur qui s'est écrasé dans une forêt. Il sert de garde du corps à un chanteur pop un peu exalté. Etc.
Cette série est apparue à la fin des années 1980 où l'ordinaire pour les comics était encore des histoires de superhéros. Dans l'introduction, Paul Chadwick explique que son intention était de mettre sur scène un individu doté d'une apparence et de capacités sortant de l'ordinaire, puis de le confronter à l'ordinaire de la vie, sans ajouter aucun autre élément fantastique.
Le récit commence alors que Concrete bénéficie d'une campagne de promotion de grande ampleur, allant d'apparitions dans des séries télévisées, à des jouets en plastic bon marché à son effigie (ce qui s'avère assez déstabilisant pour le début d'une nouvelle série indépendante, une forme de paradoxe entre la célébrité supposée du personnage, et son absence totale de notoriété en vrai). Il est présenté comme étant issu d'une expérience gouvernementale pour concevoir et construire un cyborg, expérience s'étant avérée infructueuse. Il y a quelque chose de déconcertant à voir Concrete utilisé comme une marque déclinée sur de nombreux produits dérivés, plébiscité par les gosses, assimilé dans la culture populaire, même si les adultes doutent fortement de la réalité de ce personnage.
Effectivement, Chadwick raconte des histoires dans lesquelles le seul élément de nature fantastique est ce personnage de béton flexible (avec les responsables de son existence). En narrateur perspicace, il introduit le personnage de Larry Munro qui devient le secrétaire particulier de Concrete. Le lecteur découvre ainsi Concrete en même temps et par les yeux de Munro.
Sous réserve d'avoir conscience de la nature du récit (pas de superhéros, pas de superpouvoir, pas de combat dantesque), le lecteur est alors dans une bonne condition d'esprit pour pouvoir accepter ce que lui raconte l'auteur. Il s'agit d'un personnage coupé de son humanité (du fait de son corps en béton, comme peut l'être Ben Grimm des Fantastic Four), coupé de son identité (pour des raisons gouvernementales basiques, secret d'état), qui cherche à se rendre utile. Alors qu'il a perdu son sa précédente identité, il conserve sa personnalité, et il peut maintenant accomplir des actions physiques exceptionnelles, sans crainte des risques ou presque.
Au travers des différents récits, Pau Chadwick montre avec tact et sensibilité un individu pour lequel des pans de l'existence qui lui étaient inaccessibles, s'offrent maintenant à lui, mais qui se retrouvent à l'écart des autres êtres humains. Avec des dessins en noir & blanc, l'auteur décrit un monde ordinaire à l'écart des grandes villes américaines. Régulièrement, Concrete évolue dans un milieu naturel, représenté avec délicatesse, et un bon niveau de détails. Ainsi Chadwick sait montrer l'écrasement de Concrete dans la mine affaissée, avec une étrange forme d'amalgame (du fait du noir & blanc) entre la matière rocheuse et celle de Concrete.
Lors de la traversée de l'Atlantique à la nage, le lecteur plonge aux côtés de Concrete dans un monde bioluminescent, absolument hypnotisant et envoutant. La courte séquence dans la forêt profonde est moins immersive, du fait d'une représentation moins saisissante. Lorsque Concrete évolue dans un décor urbain, Chadwick prend soin de montrer les conséquences de sa morphologie : en particulier son poids qui impose de voyager sur le plateau arrière des 4*4, ou encore de s'assoir sur un fauteuil constitué de parpaings. D'une séquence à l'autre, le lecteur peut parfois avoir l'impression que le poids réel du personnage est soumis à variation, en observant les conséquences des déplacements de Concrete, sur son environnement.
De par la nature composite de ce recueil, le lecteur ne perçoit pas de fil conducteur dans la narration. Il s'agit effectivement d'une collection de nouvelles éparses. Dans une interview, Chadwick a même exprimé son regret de ne pas avoir pensé à tracer une chronologie, même grossière, de la vie de son personnage.
Le lecteur passe donc d'une histoire à une autre, sans grand lien entre elles, si ce n'est la présence récurrente des 3 personnages : Concrete, Maureen Vogennut et Larry Munro. La psychologie de ces 2 derniers n'est pas très développée, même si leur comportement est de nature adulte. Le lecteur finit par percevoir en creux celle de Concrete, sa nature introspective, sa volonté de rendre des services, ses interactions respectueuses et timides avec les autres. Ce caractère conduit à des passages contemplatifs, doux sans être mièvres.
Avec ces récits de longueur variable, le lecteur découvre Concrete essayant de trouver sa place dans l'ordre des choses, en rendant service, avec l'aide de son secrétaire particulier, et sous la surveillance amicale d'une biologiste. Par encore très sûr de lui, Paul Chadwick construit ses récits sur des enjeux dramatiques, afin de capter l'attention du lecteur. Or c'est hors de l'action que le charme de cet individu vivant sous une carapace de béton opère. C'est au travers des discussions, et de ses choix que ce personnage révèle toute sa saveur, sa gentillesse, sa prévenance.
Dès ces premiers récits, la création de Paul Chadwick s'émancipe de son milieu d'origine (les comics essentiellement consacrés aux superhéros), pour des récits plus personnels. Dans la préface, Paul Chadwick explique que ce personnage indestructible lui permettait d'explorer, au travers de ses aventures, des situations et des sentiments qui l'auraient intimidé dans la vie réelle. D'un côté, il réussit bien à matérialiser ses instants fragiles, ses sentiments ténus ; de l'autre, le recueil souffre un peu d'un manque de direction général.