Quand on a lu toutes les aventures de SPIROU & FANTASIO, on finit par dégager des impressions d'ensemble sur la série ; des moments qu'on a aimés et d'autres moins ou pas du tout, voire même qu'on a haïs. On apprécie les premiers albums pour leur charme désuet, sachant que l'auteur (Franquin) fera des merveilles par la suite. On lui accorde donc le bénéfice d'une certaine complaisance pour ses premiers pas (Radar le robot, L'Héritage, 4 Aventures, Les Chapeaux noirs) en regard des chefs-d'œuvre futurs, et on vénère la période dorée (de "Mystère à la frontière" à QRN) servant de mètre-étalon aux successeurs.
Après le départ de Franquin, le vrai créateur de l'univers SPIROU à défaut du personnage lui-même, on entre dans l'ère des périodes (Fournier, Nic & Cauvin, Tome & Janry,...) dans laquelle chacun trouvera plus ou moins d'affinités avec les différents repreneurs. Si Fournier et Tome & Janry trouvent autant d'amateurs que de détracteurs, il existe en revanche une certaine unanimité quant à l'appréciation du duo formé par Nic & Cauvin : "C'est nul !" Et j'avoue faire partie du flot de personnes qui a depuis longtemps pris l'habitude d'être aussi péremptoire au sujet de leurs trois albums. Et cependant, en relisant La Ceinture du grand froid pour la première fois depuis... bien longtemps, il faut admettre que cette histoire n'est pas moins bonne que la plupart de celles de Fournier, par exemple.
Le scénario en vaut beaucoup d'autres. L'argument de base est un prétexte à un enchaînement de péripéties telles qu'on a pu en voir auparavant, c'est très simpliste certes, mais pas moins que dans Il y a un sorcier à Champignac, Les Héritiers, La Corne du rhinocéros, Les Pirates du silence, Le Voyageur du Mésozoïque, Panade à Champignac ou Le Faiseur d'or. Ce qu'il se passe ensuite est plutôt rythmé. Il n'y a pas de temps mort. Il y a même de bons gags grâce notamment au duo formé par le capitaine et son second. Les semelles inventées par Cauvin qui permettent de marcher sur l'eau auraient très bien pu être inventées par Franquin quelques années plus tôt. On a ici une île artificielle et une fausse banquise qui ne sont pas moins loufoques qu'un œuf de dinosaure conservé dans la glace, qu'un G.A.G. qui permet de faire voler les gens, qu'une ville sous-marine, qu'un fantacoptère ou que des X1, X2 ou X3 et j'en passe. L'album est bien structuré et se lit mieux que n'importe quel Morvan/Munuera ou que la plupart des Yoann & Vehlmann. Alors oui, il y a un gros problème concernant le dessin de Nic Broca qui est beaucoup trop raide et peu détaillé, notamment concernant les décors. Mais n'oublions pas qu'il s'agit du premier album de l'équipe qu'il formait avec Raoul Cauvin et qu'il débutait en matière de bande-dessinée. On peut donc lui accorder un minimum de ce qu'on accorde au Franquin des débuts. Soyons honnêtes !
Ce qui entache vraiment la période Nic & Cauvin, c'est qu'ils ont prolongé plus que de raison cette histoire de boîte noire dans les deux tomes suivants, faisant sombrer le tout dans une platitude inepte. La Boîte noire et surtout Les Faiseurs de silence sont effectivement des navets et si les auteurs avaient changé de sujet, peut-être n'auraient-ils pas acquis au fil des ans cette si mauvaise réputation qui rejaillit malheureusement sur La Ceinture du grand froid, album tout à fait honorable à redécouvrir.