Après Le Groom vert-de-gris que j'avais détesté, j'attendais avec appréhension un nouveau SPIROU commis par Yann. On retrouve effectivement les défauts caractéristiques du bonhomme dans La Femme léopard. Des dialogues ou remarques bien appuyés à chaque coin de page (genre larmoyant comme "Combien d'étoiles ont péri prématurément durant cette affreuse guerre" ou dans le genre insistant "Moi pendant la guerre j'ai fait ceci et cela alors que vous, vous étiez des sales collabos" ou encore "Toi, t'as pas eu toute ta famille tuée à Auschwitz" etc.), des clins d’œil et des citations au kilo, mais pas autant tout de même que dans l'indigeste album précédent ("Hé ! Je suis Yann. Vous avez vu comme je suis vachement cultivé ! J'en sais des trucs, hein !"), ou pour initiés de la bédé (les Pissavy-Yvernault, De Kuyssche, Milton Caniff, Allan et les hommes du Karaboudjan - pour lesquels Schwartz est tout aussi responsable d'ailleurs - Spiegelman, Bergamote, Rémi, Gaston, Rob-Vel..).
Si les auteurs de BD pouvaient se concentrer un peu plus sur leurs histoires au lieu de faire du remplissage avec des références exagérées pour caresser dans le sens du poil les collectionneurs, ça donnerait sans doute de meilleurs résultats. Un peu de modestie et d'abnégation ne feraient pas de mal.


Ensuite, il y a cet étrange début qui n'est pas franchement justifié : Spirou noie son chagrin dans l'alcool parce qu'une fille qu'il a croisée à peine trois minutes dans sa vie a péri en déportation. Vu le final du Groom vert-de-gris, ça le perturbait juste le temps que Fantasio vienne lui taper sur l'épaule pour repartir vers d'autres aventures. Ici, on semble vouloir en faire un élément majeur du récit. Pourquoi pas ? Mais dès que l'intrigue de La Femme léopard débute réellement, on oublie tout jusqu'à la dernière case. Bref, vu comment c'est vite balayé, le coup du Spirou misérabiliste (coucou Emile Bravo ?) qui s'apitoie sur le sort d'Audrey en picolant les fonds de bouteilles se révèle n'être qu'un banal truc de scénariste ne servant finalement à rien dans l'histoire. Si ce n'est une nouvelle fois à appuyer lourdement - comme si le lecteur n'avait toujours pas compris - sur l'horreur de l'obsédante Seconde Guerre Mondiale (je me demande d'ailleurs à quel moment Yann va nous coller des nazis dans LES MONDES DE THORGAL).


Mais heureusement, il y a la femme léopard. Heureusement, les personnages fuient Bruxelles et foncent à Paris. A partir de là on entre vraiment dans l'aventure. La vraie. Avec humour et légèreté. L'intrigue se noue progressivement. On s'amuse en lisant. Spirou redevient notre Spirou, et Fantasio retrouve son style des débuts avec plus de naturel et moins d'artifices que dans les premières pages ou que dans le tome précédent. Aniota (la femme léopard) se dévoile petit à petit et son caractère bien trempé la rend immédiatement sympathique. La rencontre avec le couple Sartre-Beauvoir est excellente (la façon qu'ils ont de se faire systématiquement rembarrer par Aniota est jubilatoire). En revanche, on en revient à la citation pour la citation avec l'évocation lourde et inutile de Vian (l'allusion à J'irai cracher sur vos tombes est maladroite, voire ridicule tellement elle est téléphonée. Ils ont aussi oublié l'apostrophe devant le P de 'pataphysique. Voyons Yann, un puits de culture comme toi qui ne sait pas ça !?) Et on se passerait volontiers de la surcharge d'interjections en bruxellois par Fantasio. Qu'ils les gardent pour l'édition bruxelloise, puisqu'elle existe (elle a d'ailleurs une bien plus jolie couverture). Ça rend la lecture fastidieuse par moments, limite désagréable.


Au final, si on se prend souvent à souhaiter être un total néophyte en matière de BD pour couper au harcèlement référentiel que nous infligent les auteurs, et si ce n'est pas encore avec cet album que je vais considérer cette série parallèle comme nécessaire, la seconde partie de l'album est toutefois nettement meilleure et donne envie de lire la suite. La Femme léopard, malgré ses défauts, n'est pas aussi surchargé que Le Groom vert-de-gris. Espérons que Le Maître des hosties noires le sera encore moins. Si ça devait effectivement être le cas, j'envisagerais probablement alors d'acheter ce tome 1/2 en même temps que le futur tome 2/2.

Muffinman
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le 1 févr. 2015

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