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Ce tome fait suite à Monstress T01: L'Éveil (épisodes 1 à 6) qu'il faut impérativement avoir lu avant. Il contient les épisodes 7 à 12, initialement parus en 2016/2017, écrits par Marjorie Liu,...
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le 3 août 2019
Ce tome fait suite à Monstress T01: L'Éveil (épisodes 1 à 6) qu'il faut impérativement avoir lu avant. Il contient les épisodes 7 à 12, initialement parus en 2016/2017, écrits par Marjorie Liu, illustrés par Sana Takeda qui a réalisé les dessins, l'encrage et la mise en couleurs. Seul le lettrage a été assuré par Rus Wooton.
Maika Halfwolf reprend connaissance dans un pâturage, tenant à la main le cœur d'un mouton dont la carcasse éventrée gît à ses pieds. Elle mord dans le cœur à pleine dents, sous le regard horrifié des fermiers et s'en retourne vers la capitale Thyria. Rentrée dans la demeure de sa défunte mère Moriko, elle se lave, puis se change sous le regard de Kippa (la jeune renarde). Elle lui explique qu'elle va devoir la laisser si elle ne trouve pas un indice dans la maison. Angoissée à cette idée, Kippa désigne un mur que Maika perfore d'un violent coup de poing. Elle découvre une cache secrète contenant un coffret qui recèle une sorte de clef d'une forme bizarre, taillée dans un os. Elles sortent toutes les deux et Maika Halfwolf interroge un marchand sur Catriona Devola qui habitait dans le quartier. Elle n'obtient pas d'information, et à peine a-t-elle le dos tourné que le marchand relaie l'information à un sbire de l'Impératrice Shaman, gouvernante de la ville.
Dans le quartier des temples, Ren Mormorian (le nekomancer qui accompagne Maika Halfwolf) requiert une audience avec la poétesse Jadala Bonetail. Puis il rejoint Maika et Kippa, alors qu'elles sont reçues par Seizi, un lion anthropomorphe, ayant été l'ami de Moriko, la mère de Maika. Elle explique qu'elle a besoin de rejoindre l'Île des Ossements, et Seizi accède à sa requête en la remettant aux bons soins de la capitaine Syryssa. Le navire part même beaucoup plus rapidement que prévu car l'Impératrice Shaman de Thyria a déjà demandé à sa police de lui ramener Maika Hafwolf. Dans son royaume, sa seigneurie de l'Est apprend l'existence de Maika Halfwolf, ainsi que le rôle qu'elle a joué dans la bataille de Constantine. Cette découverte modifie l'équilibre des pouvoirs.
Après le premier tome, le lecteur n'était pas entièrement convaincu de revenir pour le deuxième. Les 2 auteures avaient présenté un monde très étoffé, avec des personnages intriguant, une mythologie originale, et des dessins splendides. Néanmoins elles avaient du mal à vaincre l'inertie générée par un la contrainte de présenter de nombreux éléments d'informations rapidement, malgré l'usage de pages en forme de leçons pour les nekomancers en fin d'épisodes. Toutefois en découvrant la magnifique couverture, la curiosité prend le dessus, et le constat que les pages intérieures présentent le même degré de finition emporte les dernières réticences. Dans son récit, la scénariste reprend des éléments mythologiques souvent utilisés dans le genre de l'Heroic Fantasy, comme des créatures à base d'animaux anthropomorphes (des chats, des renards, des lions), des sirènes, d'immondes créatures venues du dehors, etc. Contre toute attente, le lecteur n'éprouve jamais de sensation de déjà-vu ou de resucée dérivative, grâce à l'implication sans faille de la dessinatrice. Maika Halfwolf ressemble toujours à une jeune femme élancée à qui il manque un bras, sans qu'elle ne se comporte comme une estropiée, avec un magnifique visage, arborant des expressions variées et attestant de sa force de caractère. Les manifestations de Zinn (le Monstrum logé dans son corps) dépassent la simple apparition de tentacules enchevêtrées pour former une créature vraiment extradimensionnelle. Les lions anthropomorphes sont majestueux et félins, irradiant une aura extraordinaire. La fourrure de la reine des renardes semble soyeuse à souhait, et les expressions de son visage montrent sa sagesse née de l'expérience, et sa capacité planifier à long terme, à prévoir les réactions des autres camps.
Dans ces épisodes, Sana Takeda a gagné en aisance dans l'intégration des différentes composantes de ses illustrations. Elle continue d'utiliser un trait fin pour délimiter les différentes surfaces, sans beaucoup de variation d'épaisseur. Elle ne ferme pas tous les contours de forme, et elle ne détoure pas chaque partie différente. Elle complète la dimension descriptive des dessins avec les couleurs qu'elle réalise elle-même, ce qui lui permet une intégration totale et parfaite entre traits et couleurs, pour que les 2 se complètent de manière indissociable. Par exemple les motifs des pelages des chats et des lions sont systématiquement réalisés à la couleur sans détourage, avec une couleur de trait de la silhouette qui n'est pas le noir, mais qui est accordée à la couleur de pelage, pour adoucir le trait de contour. S'il souhaite s'y intéresser, le lecteur constate également que la texture de Zinn et de l'autre Monstrum est rendue de la même manière, par la complémentarité entre les traits et les camaïeux de gris. Lorsque la barque de Maika approche du rivage de l'Île des Ossements, l'air devient opaque avec des volutes de brume, auxquelles Takeda confère une texture palpable, très tactile, à l'opposé de quelques vagues traits rapidement tracés.
Page après page, le lecteur est sous le charme de la richesse des dessins qui donnent corps à un monde différent et à des créatures spécifiques, aussi bien charmantes que terrifiantes. Il se rend compte que les 2 auteures ont dû travailler de manière collaborative, car le scénario donne l'impression d'avoir été taillé sur mesure pour jouer sur les points forts de l'artiste, et cette dernière offre une vision très cohérente des différents éléments du scénario. Le lecteur s'immerge donc avec délice dans cet univers, et il se rend compte que la structure de la trame narrative présente une direction beaucoup plus solide. Il ressent le suspense lié à l'expédition de Maika, Kippa et Ren vers l'Île aux Ossements, étant très intrigué par ce qu'ils vont y découvrir. Les motivations de Maika apparaissent clairement et le lecteur s'y implique facilement. Elle souhaite découvrir les manigances passées de sa mère car elles pèsent lourdement sur sa vie présente. Au-delà de l'intrigue, il se rend également compte que Marjorie Liu ne se limite pas une histoire à suspense, dans laquelle l'héroïne se bat contre un monstre après l'autre dans une quête après l'autre.
Grâce à une rééquilibrage dans les composants narratifs, l'histoire apparaît plus facile à suivre, sans pour autant perdre en intensité. Le lecteur replonge dans cette lutte de pouvoir entre différentes factions correspondant à la fois à des races aux capacités différentes, mais aussi à des groupes de pouvoir différents au sein d'une même race. Cette dimension du récit reste intelligible grâce aux apparences très spécifiques de chaque personnage, mais aussi grâce au travail de construction et d'exposition de ce monde, effectué dans le premier tome. Le coté pesant de ces explications a disparu dans ce deuxième tome. La scénariste continue de terminer chaque épisode par une ou deux pages dans lesquelles le professeur Tam-Tam donne des explications supplémentaires à ses élèves, ou de brefs articles de journaux avec des illustrations. Le lecteur peut très bien se dispenser de lire ces pages, sans se sentir perdu dans l'intrigue principale. Mais il est vraisemblable qu'il aura envie de les lire pour profiter pleinement de la richesse de l'histoire de ce monde.
La qualité du récit ne se limite pas à une intrigue prenante, et à un monde d'une richesse formidable. Marjorie Liu utilise également des brèves cellules de texte pour inclure le flux de pensée de Maika pendant certaines scènes. Il s'agit d'un dispositif narratif artificiel, car l'auteure écrit les pensées de Maika de manière construite, à l'opposé d'un flux de mots immédiat. Cependant ce type d'écriture s'apparente à un outil classique dans les bandes dessinées, et elle en tire le meilleur parti. Le lecteur découvre progressivement la motivation de Maika et sa force, la raison profonde pour laquelle elle souhaite retracer le parcours de sa mère. Il est possible de le prendre au premier degré comme un fil narratif simple et efficace, mais aussi comme une métaphore du lien mère/fille, de l'incidence des choix d'une mère sur la vie future de sa fille. Au fil des réflexions de Maika, le lecteur se rend compte que sa mère Moriko a façonné la vie de sa fille de manière à en faire l'instrument de son plan, de manière à pouvoir l'utiliser. Elle l'a fait sciemment. Mais la description qu'en fait Maika dans ses pensées amène le lecteur à considérer le lien parent-enfant d'une manière plus générale, en réfléchissant sur le degré auquel chaque parent modèle la vie de son enfant, présente et futur, de manière consciente ou non. Cette dimension psychologique enrichit fortement le récit, sans l'alourdir.
Toujours d'un point de vue psychologique, le lecteur peut aussi considérer le lien qui unit Miaka à Zinn, le monstre qui habite son corps et qui agit en fonction de ses pulsions, sans que son hôte n'exerce une grande maîtrise sur lui. Là encore, la métaphore est immédiatement accessible, sur les pulsions pas toujours maîtrisables qui habitent chaque individu qui en est plus ou moins esclave, de manière plus ou moins consciente. Marjorie Liu ne se limite pas à ce niveau de lecture. Au fur et à mesure de l'avancée du récit, elle en révèle un peu plus sur l'histoire personnelle de Zinn, et sur les raisons de ses actes. Cela constitue un commentaire léger sur la manière dont un individu peut se battre contre sa nature pour essayer de devenir autre, convaincu de la nécessité d'évoluer, suite à des expériences personnelles, suite à des rencontres et des relations avec d'autres. Les choix de Zinn le conduisent dans une impasse, mais continuer à se comporter comme il l'a toujours fait, comme lui dicte sa nature, lui est devenu insupportable. Ce dilemme jette également un éclairage différent sur le comportement d'individus d'autres factions, sur leurs convictions inébranlables, sur leurs certitudes immuables. Cette composante du récit s'ajoute aux autres pour élever cette série au-dessus du genre dont elle utilise les conventions pour en faire un récit aussi divertissant qu'intelligent.
À la fin de ce deuxième tome, le ressenti du lecteur a fortement évolué et il espère de tout cœur que les auteures réaliseront encore d'autres chapitres de cette série d'Heroic Fantasy atypique, mettant en avant une héroïne, dépassant la simple lutte du bien contre le mal, avec des dessins rendant compte du merveilleux et de l'horreur de ce monde, pour une histoire pleine d'émotion, charriant un regard sous-jacent sur la nature innée et l'évolution de l'individu en fonction de ses expériences de vie.
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le 3 août 2019
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