Le thème principal de cette aventure de Jeremiah est sans surprise, puisque annoncé par le titre. Bien évidemment, l’apparition de sectes dans un monde post-apocalyptique n’a rien de très étonnant. Ici, Hermann y trouve le prétexte à un scénario bien dans son style, qui mêle aventure, suspense, ambiances colorées et personnages variés.
Kurdy et Jeremiah sont employés par un homme ayant une certaine envergure. Sa puissance est juste marquée par le fait qu’il est protégé par deux hommes en uniformes et qu’il se déplace d’une ville à une autre en diligence, en compagnie de sa femme et de leur fils.
Dans le même temps, deux adolescents ont les honneurs d’une cérémonie d’initiation dans une secte adepte du Grand-Guignol : grand prêtre et initiés encagoulés façon Ku-Klux-Klan, torches de nuit et bâtons surmontés de cornes. Le tout se passe dans une petite ville où le groupe escorté par Jeremiah et Kurdy va trouver refuge en pleine nuit suite à quelques ennuis, aussi bien mécaniques qu’humains. Les deux adolescents initiés ont eu pour mission d’aller faire du prosélytisme dans une grande ville. On pourrait dire qu’on sentait venir ce genre de situation quand on se rappelle que dans l’album précédent, Hermann stigmatisait déjà la bigoterie en réaction à l’attitude de sa propre mère vis-à-vis des témoins de Jéhovah. Autant dire que les deux adolescents ne font pas dans la finesse, à l’image d’ailleurs de leurs initiateurs. Quoi qu’il en soit, cette description quelque peu forcée sert bien le propos du dessinateur qui a encore concocté un scénario de bonne facture.
De façon récurrente, le défaut regrettable est l’aspect manichéen de certains personnages. Les membres de la secte sont tous de dangereux illuminés. L’employeur de Kurdy et Jeremiah ne pense qu’au but de son déplacement. Certains retournements de situation se goupillent bien mais semblent malgré tout un peu artificiels. Enfin, si le dessin extrêmement léché est particulièrement agréable, je ne suis pas convaincu par certains visages qui présentent un aspect un peu trop esthétique.
L’aspect vraiment séduisant qui m’a fait revenir de nombreuses fois sur cette BD, c’est un épisode plus ou moins anecdotique comme Hermann se plaît à en placer à l’occasion : deux planches en vis-à-vis (12 et 13) de chasse à l’arc en forêt sont une merveille de couleurs, action et humour. Ce n’est pas tout, car dans le village de la secte, Kurdy et Jeremiah y arrivent de nuit alors que la brume envahit le paysage. Cela donne une quinzaine de planches successives presque à la fin où Hermann se montre très à l’aise pour créer une ambiance avec des couleurs, du suspense et de l’action à couper le souffle.
Une BD typique du style Hermann de la grande époque. L’édition d’origine date de février 1982.