Personnellement, ça me fait un peu bizarre de me dire ça, mais je pense que (exception faite de « l’Amerzone » qui est un épisode très particulier je trouve), ce premier tome est sûrement le plus abouti de la saga.
Oui, ça me fait bizarre de le dire parce que c’est quand même un peu frustrant de se dire que le meilleur épisode d’une saga longue de plus d’une vingtaine d’albums atteint son apogée au début, pour (plus ou moins) décliner ensuite.
Première vraie force de l’album à mon sens : l’esthétique.
Je ne vais pas dire que les épisodes suivants sont davantage dessinés par-dessus la jambe, mais je trouve quand même que l’ami Sokal va quand même très rapidement simplifier son trait au bout de seulement quelques albums.
Du coup, ce Tome 1 est un petit peu son summum en termes de raffinement.
Le trait est très riche. Très sombre. Il y a une belle subtilité et une belle composition des couleurs.
Alors certes, ce n’est pas le seul à ce niveau-là, puisque je pense que les trois tomes suivants peuvent plus ou moins prétendre au même niveau d’exigence, mais ce qui fait que j’apprécie tout particulièrement ce « Chien debout » par rapport à ces successeurs, c’est qu’il développe un univers que je trouve remarquablement abouti.
« Canardo », sur la fin de ses « premières enquêtes », c’était une saga qui occupait un étrange équilibre entre d’un côté un humour absurde très moqueur de ses personnages, et de l’autre un cynisme mélancolique assez noir qui tranchait pas mal avec la légèreté des intrigues.
Le tout donnait naissance à un univers qui générait une sorte de dissonance cognitive assez intrigante que moi j’apprécie beaucoup et qui me fait parfois penser à ce que j’ai pu retrouver (mais d’une autre manière) dans les films du duo Caro et Jeunet.
Mêler des intrigues et des univers aussi noirs à des personnages et des résolutions aussi absurdes, j’ai trouvé ça juste parfait. Surtout que, dans ce Tome comme dans quelques autres, « Le chien debout » adopte une "position" que je trouve intéressante à l’égard de son héros ; c’est celui de la mise en retrait.
Finalement, quelle meilleure méthode pour éviter qu’on se lasse d’un personnage que de le transformer en personnage secondaire et de le faire intervenir qu’en tant qu’observateur de passage ; simple contemplateur désabusé d’un triste spectacle.
Donc oui, même après relu une dizaine d’album, je maintiens ma position : « Le chien debout », de par son cynisme, son sens de l’absurde et son trait raffiné, reste pour moi l’un des meilleurs représentants de la saga…