Tome 1 :

Makyo nous rejoue « Grimion Gant de Cuir » en changeant les décors :
• Un jeune garçon d’âge pubère (donc promis quelque part dans les évènements à quelque initiation amoureuse) ;
• le même surnom que Grimion (« Petit Miracle » - faut croire que ce sobriquet connote une expérience forte dans la vie de Makyo) ;
• des anomalies dans la vie du héros ( de qui est-il l’enfant ? pourquoi s’acharne-t-il à vouloir vivre la vie périlleuse des pêcheurs d’Islande au lieu de savourer la destinée parfois confortable que certains lui proposent – voir planche 31 - ?)…

Une nouvelle fois, c’est l’identité, l’enracinement familial qui est au cœur du drame ; passe encore que ceci travaille notre héros (Moïse Halna), ça se comprend : on l’a trouvé dans une barque sur la mer, d’où son prénom ; mais l’outrance du récit de Makyo, c’est que tous les adultes concernés (et ils sont nombreux) sont focalisés sur ce problème de l’origine de Moïse, au point de se battre entre eux, de se livrer à des démonstrations quasi hystériques, de comploter, voire pire (planches 56-58)…

Ceci, j’ai plus de mal à l’avaler. Après tout, que Moïse soit l’enfant d’un tel ou d’un tel, dans une histoire qui est un peu un dédale de coucheries, des adultes devraient l’encaisser aisément en assumant le prix des infidélités et de la prostitution ; mais point du tout ; comme dans « Grimion », voilà des adultes confirmés et responsables qui s’excitent comme des roquets pour se disputer la paternité du gosse. Chez moi, un tel sujet susciterait, au mieux, une curiosité polie si je constate que la question a de la valeur pour mon interlocuteur…

Ces passions (ces « possessions » ?) ont donc des causes et un enjeu qui me dépassent pas mal. Ils sont trois à convoiter le titre de « père » de Moïse : Ernest, pêcheur d’Islande (son père adoptif). Séraphin, poète vivant dans une barque retournée sur la plage (planche 52), assez branché sur le Bien et les anges gardiens (planches 50-51). Anthonin Worris, l’armateur, qui rêve d’avoir un fils.

Comme dans « Grimion », la magie et le sortilège rôdent au ras du sol, sans s’y déclarer aussi explicitement que dans la série-vedette antérieure. La grosse brute du récit, Hector Braxas, dit « Xas », est tatoué sur la joue droite d’un étrange signe cabalistique (on dirait le symbole de Pluton monté de biais sur une planche) (planche 3). Comme dans « Grimion », certains personnages jouent à de petits oracles aléatoires pour deviner l’avenir (planche 8). La vision onirique et quasi mythologique que Moïse a de l’Islande (planches 12 et 16, planche 60). « Marthe Islande » (planche 15), qui a un « don » de consolation, et qui parle de la présence des disparus (planche 16). La mère de Séraphin, vieille folle qui frappe la mer sauf les dimanches et jours de fête, et qui suggère que Moïse a quelque chose de surnaturel et de démoniaque (planches 58-59).

Makyo a soigné sa documentation, comme dans « Grimion ». Le port de Dunkerque des années 1890-1892 est la vedette des décors. Brumes traînant sur les voiles des navires de pêche (planche 1), détail minutieux des cordages et des gréements (planches 2,3), sortie résolue des navires de pêche en haute mer (planche 7). Tenues féminines quasiment tirées de musées ethnographiques (planches 10 et 13). Vente en plein air de feuillets de belles histoires (planche 53). Jeux d’enfants, dont celui des « cornus » (insectes s’ébattant entre des pièces de monnaie d’époque soigneusement reproduites – planche 41).De pauvres intérieurs de pêcheurs (planches 26, 43 à 45). Surtout, des aperçus architecturaux impressionnants de minutie et de netteté sur la ville de Dunkerque (planches 22, 27, 29, 32, 43, 53).

Il exploite le patois dunkerquois, répertoire lexical pittoresque « Clistre », « Koukelour », « Plat’che », « Nountche », « Veint’che », « Mitchemouille », « Katebrake »… faites un tour dans le lexique du patois dunkerquois pour traduire ce que dit le bon peuple de Makyo. . En voir des exemples dans : mincoin.free.fr/region/chti/patoisdunkerquois.doc

La fin du récit est trop mouvementée pour être réellement crédible ; la vieille folle sert surtout à justifier l’exposition d’informations nécessaires. Ceci dit, Moïse ira-t-il jusqu’au bout de son rêve ? Pas de quoi confondre pourtant l’Islande avec une terre promise…
khorsabad
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le 17 janv. 2013

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